LE MONDE
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Nous sommes au "Camping", un "accélérateur" de start-up qui a pris ses quartiers il y a dix-huit mois au 2e étage du Palais Brongniart, l'ex-Bourse de Paris. "Le concept, c'est celui d'une classe prépa pour entrepreneurs. La sélection à l'entrée est digne d'une grande école, deux cents dossiers pour douze projets élus. Les équipes ont six mois pour affiner leur projet et trouver des financements", explique Oussama Ammar, qui sert de papa poule à ces apprentis patrons. Ces dernières semaines, il les a accompagnés, de Londres à Berlin, pour qu'ils exécutent leurs premiers pas face à des investisseurs européens et américains.
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"Nous voulons recréer l'écosystème de la Silicon Valley, avec son émulation incroyable. On s'oblige à parler anglais, afin d'avoir une approche globale", explique Alice Zagury, à l'origine du Camping. Elle s'est inspirée du "Y Combinator", le plus prestigieux accélérateur californien, d'où sont sortis DropBox et AirBnB, deux services très populaires.
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Jusqu'à présent, il fait plutôt bon créer sa start-up en France. "De Dominique Strauss-Kahn [ministre de l'économie dans le gouvernement de Lionel Jospin] en 1997, jusqu'au PLF, il y avait un consensus des politiques de gauche comme de droite pour oeuvrer en faveur des start-up, avec des statuts comme la jeune entreprise innovante [exonérations fiscales], Oseo [la banque publique des PME], l'ISF-PME [qui permet de réduire son impôt de 50 % des montants investis dans une PME] ou le crédit impôt recherche", estime Philippe Collombel, du fonds Partech.
L'Hexagone peut d'ailleurs compter sur des fonds expérimentés, comme Partech (mais aussi Idinvest, Apax) qui ont continué à irriguer le secteur après l'éclatement de la bulle Internet, en 2000. "Une quinzaine de fonds de capital-risque financent environ un millier de start-up et injectent 200 à 300 millions d'euros par an dans le numérique", selon Philippe Collombel. "L'industrie française est l'une des meilleures au monde", juge Christophe Bavière, le président d'Idinvest. Et de citer tous les domaines où un petit "Frenchy" est parvenu à se faire un nom aux côtés du leader anglo-saxon : Dailymotion face à YouTube, Viadeo derrière LinkedIn, Deezer sur les talons de Spotify...
"Ce qui marche bien, c'est le e-commerce, avec des concepts comme Vente-privée et le luxe", relève Roxanne Varza, qui a un temps dirigé la version française de Techcrunch, un site d'actualité des start-up qui fait référence aux Etats-Unis. Autre atout de l'Hexagone : ses "serial entrepreneurs". La première génération a commencé avec le Minitel, s'est lancée dans le numérique à la fin des années 1990, et a surmonté la bulle. C'est celle des Marc Simoncini (iFrance, Meetic), Jacques-Antoine Granjon (Vente-privée), Patrick Robin (Imaginet, 24h00), Xavier Niel... Vingt ans plus tard, ils jouent les "business angels" auprès des plus jeunes : PriceMinister, Dailymotion, Criteo, ou Deezer.
En amont enfin, l'Hexagone compte nombre d'écoles de très bon niveau. Et des villes comme Paris, qui a déjà financé 70 000 mètres carrés pour des pépinières d'entreprises (à loyers modérés). "C'est une des priorités de notre mandat", insiste Jean-Louis Missika, l'adjoint au maire de Paris pour l'innovation. Il assure que 1 800 jeunes pousses ont pris racine en Ile-de-France, contre 1 200 pour Londres, la grande rivale. Sans oublier des hubs régionaux très actifs comme Lille, Rennes ou Toulouse, qui vient de lancer son propre Camping.
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Faut-il, dès lors, s'inquiéter d'un départ massif de créateurs, spectre agité par les "pigeons" ?
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Dans la Silicon Valley, les ingénieurs coûtent 150 000 dollars l'année, trois fois plus qu'ici. Et la taxation des plus-values de cession y tourne autour de 45 % [contre 34,5 % actuellement en France] ! Franchement, on y va une semaine par trimestre, cela suffit", assure Oussama Ammar. "En France, j'ai ma famille et le réseau des grandes écoles", renchérit Alexandre Point, le polytechnicien de Fleex.
Pour Arthur Lenoir, de Jellynote, "notre partenaire Deezer est dans le Sentier, à deux pas. Les éditeurs de Guitar Pro, un logiciel d'édition de partitions, à Lille, à une heure de train". "Aux Etats-Unis, il y a une telle concurrence entre sociétés que, pour exister, on dépense des sommes folles en relations publiques", complète Tariq Krim, fondateur de JoliCloud, une des figures du Net hexagonal.
"Ce qui nous gêne, c'est surtout qu'en France les lois changent tout le temps. C'est très déstabilisant pour convaincre les fonds d'investissement anglo-saxons, qui restent les plus importants dans la high-tech", regrette Alice Zagury. "Rien ne fait plus peur que l'instabilité quand on investit sur dix ou douze ans", confirme le capital-risqueur belge Fred Destin, associé chez Atlas Venture. De ce point de vue, le PLF, qui prévoyait de taxer jusqu'à 62 % les entrepreneurs cédant leur société, a porté un rude coup au système. "Les entrepreneurs ont eu le sentiment d'un manque de considération", peste Denis Lucquin, associé du fond Sofinnova.
En tout cas, les "start-upeurs" sont des pragmatiques. Aussi bien pour donner vie à leurs idées - lancer un concept en quelques jours sur le Net, prendre note d'un échec, recommencer aussi sec - que pour les financer. "Les gens de l'Internet n'ont pas d'attaches. S'il faut partir, ils déplacent juste leurs Macbooks", affirme Jeremie Berrebi, qui gère Kima Ventures depuis Israël. "Regardez Skype, c'est fascinant. Le siège est au Luxembourg, les comptables en Suisse, les commerciaux en Italie, les fondateurs à Londres", relève Oussama Ammar.
Le futur est peut-être déjà ailleurs. Par exemple, à Berlin, nouveau spot branché des jeunes patrons. "On trouve des lofts pour 1 000 euros par mois, on peut faire la fête tous les soirs", vante Tariq Krim. "Les boulots, on sait que c'est à nous de les trouver tout seuls. L'entrepreneuriat, il faut que nos politiques le comprennent, est en train de devenir le dernier ascenseur social", estime le jeune homme.
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