lundi 30 août 2010

From Twitter:

La SNCF doit ouvrir ses archives sur la Shoah pour gagner le TGV californien. Et pour ouvrir un McDo, les USA demandent pardon aux Indiens ?

lundi 23 août 2010

François Mitterrand vu de Washington

Il y a vingt ans, Saddam Hussein envahissait le Koweït et, pour l'y déloger, la France de François Mitterrand s'engageait aux côtés de l'Amérique de George Bush père dans la première guerre chaude de l'après-guerre froide. A l'occasion de cet anniversaire, j'ai voulu en savoir davantage sur les rapports qu'a entretenu le président socialiste avec ses homologues d'outre Atlantique pendant quinze ans.

Mitterrand dans les dossiers secrets de la Maison-Blanche (1)

Tout n'est pas encore accessible. Mais la masse de documents qui ont été déclassifiés ces derniers mois dans les « bibliothèques présidentielles » de Ronald Reagan et George Bush père présente d'ores et déjà un intérêt historique majeur. Ces centaines de notes confidentielles racontent les coulisses de cette relation si particulière, à la fois tourmentée et hautement stratégique, qu'ont entretenue l'Elysée et la Maison-Blanche pendant plus d'une décennie. On y découvre des Américains tour à tour intrigués, fascinés ou exaspérés par le président français, « un provincial» qui prend des « airs supérieurs », un « intellectuel», un « leader ambigu », mais aussi un « allié sûr », un « ami » ; et un François Mitterrand très attaché à l'alliance avec les Etats-Unis, qui entretenait avec ses homologues d'outre-Atlantique des relations plus étroites qu'on ne l'a cru à l'époque. Ces dossiers mettent aussi en lumière des épisodes inconnus d'affrontement ou de collaboration entre Paris et Washington, épisodes qui, à l'insu de l'opinion publique, ont profondément marqué la relation franco-américaine. Les archives révèlent enfin l'une des facettes les plus secrètes des années Mitterrand : la coopération entre Paris et Washington dans le domaine du nucléaire militaire et du renseignement. On y apprend, par exemple, que durant le premier septennat, alors que des ministres communistes siégeaient au gouvernement de la France, le CEA a fait tester des éléments de la bombe atomique française aux Etats-Unis, dans le désert du Nevada, sans que ni les citoyens ni le Parlement français en aient été informés. Jusqu'à ce jour.

21 mai 1981
Ce Mitterrand est-il fiable ?

A Paris, le peuple de gauche exulte. Enfin un socialiste accède à l'Elysée. A Washington, on tremble. Qui est vraiment ce Mitterrand ? Est-il fiable ? Le président américain veut en avoir le coeur net. Au moment où le nouveau chef de l'Etat dépose des roses sur les tombes de ses héros au Panthéon, Ronald Reagan reçoit le chancelier allemand Helmut Schmidt dans le bureau Ovale. Inquiet, il le presse de questions sur ce mystérieux Français qui a fait alliance avec les communistes et dont le «mauvais» exemple risque de faire tache d'huile en Europe, en Italie surtout. Sera-t-il un bon allié ? Sa politique étrangère sera-t-elle compatible avec celle de Washington ?
Le chancelier fait son possible pour le rassurer. Bien sûr, «beaucoup de choses vont changer» en France; bien sûr, aucun de ses nouveaux dirigeants « n'a eu d'expérience de pouvoir depuis vingt ans » ; mais, rassurez-vous, «Mitterrand va garder la France dans l'Otan et respecter tous les engagements de son pays vis-à-vis de la Communauté économique européenne ». Et puis, « il sera probablement plus pro-israélien et plus anti-arabe que son prédécesseur », même s'il ne pourra pas « se permettre de suivre une politique moyen-orientale très différente», étant donnée «la dette de la France envers les pays arabes »... Plus important encore, Schmidt assure au chef du «monde libre» que l'attitude de Mitterrand envers l'URSS « sera plus dure » que celle de Giscard. Bref, pas de panique, le socialiste sera « atlantiste », comme il l'a toujours été. «Les alliés occidentaux devraient donc l'accueillir à bras ouverts. » A moitié convaincu, Reagan dit qu'il va «essayer» d'établir de « bonnes relations » avec le nouveau locataire de l'Elysée.


24 juin 1981
George Bush et les ministres communistes

Un mois après l'investiture de François Mitterrand, Reagan dépêche son vice-président, George Bush père, en mission d'information à Paris. Celui-ci tombe plutôt mal. Le matin même, l'Elysée a annoncé qu'il y aura quatre ministres communistes dans le gouvernement. Comment le numéro deux de la Maison-Blanche, qui fut directeur de la CIA, va-t-il réagir ? Son équipe lui conseille la plus grande prudence. Se mêler ouvertement de la politique intérieure française serait «contre-productif». «Depuis la victoire de François Mitterrand, lui écrit un diplomate, nous avons évité de dire trop ouvertement aux leaders français notre inquiétude au sujet des communistes, nous l'avons seulement exprimée en privé. » Il est donc vivement recommandé au vice-président « de ne pas évoquer lui-même le sujet lors de sa rencontre avec François Mitterrand». En revanche, si le Français aborde lui-même la question, il faudra dire que cette participation des communistes aura un « effet négatif» sur les relations bilatérales. Mais surtout ne pas aller trop loin. Car « nous ne pouvons pas couper les ponts avec la France, dont la coopération nous est nécessaire dans plusieurs domaines ».
Lesquels ? On apprend qu'en matière de défense les deux pays ont, sous Giscard, passé plusieurs accords secrets majeurs, qui écornent sérieusement l'héritage gaulliste. A l'insu des citoyens français, l'armée américaine «peut utiliser des bases militaires françaises pour ses entraînements » et même « des soldats français » dans certains cas. Ce n'est pas tout. Entre l'Otan et Paris, il existe un «arrangement spécial» sur l'utilisation de l'arme nucléaire tactique en cas de guerre, arrangement peu conforme à la décision du général de Gaulle de retirer la France du commandement intégré de l'Alliance atlantique. «L'opinion publique française ignore l'étendue de l'activité de la France au sein de l'Otan », écrit un conseiller de Bush. Il note aussi que «le nouveau ministre de la Défense [Charles Hernu] a été surpris de découvrir l'étendue de cette coopération avec l'Otan », mais que les socialistes n'ont, semble-t-il, pas l'intention de revenir sur ces décisions de Giscard. Le conseiller ne le sait pas encore : il est en dessous de la vérité. Au cours de son entretien avec François Mitterrand, George Bush laisse donc son hôte aborder de lui-même le sujet qui fâche : «Avoir des ministres communistes au gouvernement leur fait perdre leur originalité, explique le nouveau chef de l'Etat. Ils devraient donc être de moins en moins capables de rallier des voix au-delà [de leur électorat de base]. » Et Mitterrand, sûr de son fait, fait un pari : « Ils vont rester longtemps au gouvernement, se cramponnant à leur postes, et leur érosion sera grande. » Tranquillisez-vous, ajoute-t-on à l'envoyé de Ronald Reagan, les ministres communistes n'auront accès à aucun secret de la défense nationale. En particulier Charles Fiterman, le ministre des Transports, ne contrôlera pas les gazoducs de l'Otan qui traversent la France, et il n'aura pas connaissance des plans de mobilisation des chemins de fer en cas de guerre, comme c'était le cas jusqu'à présent. Bush est épaté par la stratégie du «florentin». Il le dira à plusieurs reprises à l'ambassadeur de France à Washington Bernard Vernier-Palliez, qui en fera régulièrement part dans ses notes à l'Elysée.


19 juillet 1981
Un poisson nommé « Farewell »

Sommet du G7 à Ottawa. Sur la pelouse de l'hôtel Montebello, François Mitterrand prend Ronald Reagan à part. Il veut l'entretenir d'une affaire ultrasecrète, dont il vient tout juste d'être informé. Le 14 juillet, après la garden-party de l'Elysée, il a longuement reçu, à sa demande, le directeur de la DST Marcel Chalet. Celui-ci lui a confié un secret de la plus haute importance : depuis huit mois, le contre-espionnage français dispose d'une source exceptionnelle au sein du KGB. Cette taupe miraculeuse - nom de code «Farewell» fournit à la DST les plans les plus confidentiels de l'espionnage soviétique, ses réseaux en Occident et les résultats qu'il obtient. « C'est donc le plus gros poisson de ce genre depuis 1945 !», s'exclame le président des Etats-Unis, médusé.
François Mitterrand lui fait part d'une nouvelle alarmante : grâce à « Farewell », la DST a appris que le KGB avait percé le système de couverture radar du territoire américain et que donc l'URSS pourrait bloquer celui-ci en cas d'attaque surprise contre les Etats-Unis. Le président français propose que Paris fournisse à Washington toutes les informations collectées par « Farewell » qui ont trait à la sécurité de l'Amérique et à celle de l'Otan, et en particulier la liste des agents du KGB aux Etats-Unis ainsi que les cibles de l'espionnage soviétique outre-Atlantique. Reagan le remercie chaleureusement. Mitterrand lui demande que, pour éviter les fuites, l'affaire ne soit connue que d'un nombre très restreint de personnes. Enfin, il lui propose de dépêcher Marcel Chalet à Washington afin d'informer en détail une personnalité que le directeur de la DST connaît déjà très bien et respecte : le vice-président Bush, avec lequel il a travaillé quand celui-ci dirigeait la CIA. Reagan acquiesce.
On ne perd pas de temps. Le 5 août, les deux hommes de l'art, Bush et Chalet, se retrouvent dans la résidence privée du vice-président. Ils se mettent d'accord sur un système de courrier très protégé, qui permettra aux Français d'apporter au siège de la CIA, régulièrement et en toute sécurité, les meilleures «productions» du colonel Vetrov alias « Farewell », et cela jusqu'à ce que la taupe tombe en 1982. A son retour d'Ottawa, Ronald Reagan écrira à Mitterrand : « Cher François, je pense que vous savez combien j'ai attaché de l'importance à notre première rencontre au sommet d'Ottawa. Cette rencontre a donné le ton de nos futures relations... » Liés par ce secret, les deux hommes ne reparleront cependant plus jamais de l'affaire « Farewell ».


6 janvier 1982
Faut-il arrêter la coopération nucléaire secrète ?

Encore un secret d'Etat. Celui-là, c'est Valéry Giscard d'Estaing en personne qui l'a révélé à François Mitterrand, lors de la passation de pouvoir à l'Elysée. Il concerne la défense nationale : durant les dernières années du septennat de Giscard, des experts américains de l'arme atomique ont secrètement aidé leurs homologues du CEA à mettre au point la force de frappe française. Ces échanges ultraconfidentiels - une opération au nom de code «Apollon» - ont permis aux ingénieurs français de peaufiner au moindre coût le missile stratégique M4 et sa tête thermonucléaire, qui doivent entrer en service en 1984. Après le changement de locataire de l'Elysée, que va devenir «Apollon», dont l'existence n'est connue, à Paris comme à Washington, que de quelques dizaines d'initiés ?
Ce 6 janvier, une note « sensible », adressée au conseiller de Ronald Reagan pour la sécurité nationale, William Clark, aborde la question. Elle débute ainsi : «L'un de nos programmes gouvernementaux les plus secrets est notre coopération avec les Français dans le domaine du nucléaire militaire. » Le rédacteur poursuit : «L'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement Mitterrand comprenant des ministres communistes nous a poussés à réexaminer la poursuite de ce programme. Nous avons décidé de continuer à deux conditions : que les Français nous donnent des assurances sur le fait que la sécurité de l'information sera renforcée ; et que, dans l'ensemble, la politique étrangère et de défense de la France demeurera en conformité avec la nôtre. » «Jusqu'à présent, conclut-il, ces deux conditions ont été remplies, nous avons donc commencé les discussions préliminaires [avec les nouvelles autorités françaises] sur Apollon». »
Mais, patatras, quelques jours plus tard, la CIA apprend que, fin décembre 1981, la France a signé un contrat d'armement avec les sandinistes du Nicaragua, les bêtes noires de Reagan. A la Maison-Blanche, on enrage. Des Français, socialistes de surcroît, agissent à notre insu, dans notre pré carré ! La sanction est immédiate : «Au vu des actions de la France en Amérique centrale », la coopération nucléaire est suspendue. On attend que François Mitterrand vienne à Washington et s'explique. Le chef de l'Etat arrive en Concorde le 12 mars avec une délégation très restreinte. Au cours du déjeuner, Ronald Reagan aborde la question du Nicaragua de façon on ne peut plus abrupte. Il dit qu'il ne peut supporter la présence de communistes « au sud du Rio Grande », qu'il y va de l'intérêt supérieur des Etats-Unis. Il demande donc au président français de renoncer à cette vente d'armes, soulignant solennellement que l'avenir des relations stratégiques franco-américaines est en jeu.
François Mitterrand se justifie. Il explique qu'à ses yeux les sandinistes ne sont pas des communistes et qu'en leur vendant des armes, il espère justement les détourner des Soviétiques. Il ajoute que, de son point de vue, la politique américaine en Amérique centrale est «contre-productive ». Mais il ne veut pas d'affrontement avec Washington sur un sujet qu'il juge mineur pour les intérêts de la France. Comment en sortir ? Il ne peut annuler le contrat, dit-il, sous peine de mettre gravement en cause la parole de la France. Il propose un compromis : il ne signera pas de nouveaux contrats et, surtout, pour l'ancien, il s'engage à ce que ses services informent la Maison-Blanche des dates et lieux de livraison des armes commandées ; libre ensuite à la CIA de procéder à tous les sabotages qu'elle entend...
Cette promesse suffit aux Américains. Pour eux, la politique étrangère de la France est de nouveau «en conformité» avec celle de Washington. L'opération « Apollon » est donc relancée un mois plus tard. Elle est même approfondie. Dans un mémo «top secret», William Clark demande à Ronald Reagan, le 14 avril, d'« autoriser une nouvelle étape dans notre programme de coopération nucléaire stratégique avec la France ». Il s'agit de permettre aux ingénieurs du CEA de faire tester la résistance des nouvelles têtes atomiques françaises à des explosions thermonucléaires. Où ? Dans le polygone d'essai du Nevada. Reagan accepte. Le citoyen français n'en saura rien - jusqu'à ce jour.

26 octobre 1982
« Nous avons les moyens de leur faire mal »

Jusqu'où ira la brouille ? Libye, Namibie, Salvador, gazoduc soviétique... Depuis quelques mois, les sujets de dispute s'accumulent. La crise devient publique. Lang, Cheysson, Mauroy et même Mitterrand - à la tribune des Nations unies ! - dénoncent ouvertement les visées «hégémoniques» des Etats-Unis. La Maison-Blanche enrage. Ronald Reagan décide d'envoyer secrètement son plus proche conseiller, William Clark, à Paris. Sa mission : demander à Mitterrand de mettre un terme à cette « campagne anti-américaine ». Avant de partir, Clark sollicite l'avis de plusieurs personnes. Le numéro deux du Département d'Etat, Lawrence Eagleburger, un dur parmi les durs, lui conseille la manière forte : «Nous devons être prêts à mettre en garde les Français sur les conséquences de leur attitude. Nous avons les moyens de leur faire mal et ils le savent : nous pouvons couper le programme spécial [l'opération Apollon] et gêner leur commerce d'armement. »
Le directeur du département Europe à la Maison-Blanche, un ancien de la CIA, est beaucoup plus mesuré. La longue note qu'il adresse à Clark, le 26 octobre 1982, demeure d'une étonnante actualité. C'est vrai, écrit-il, « les Français ont tendance à être... français, c'est-à-dire irritants. Cependant, même quand leur rhétorique est détestable, on peut faire du business avec eux», surtout en coulisses, lorsque cette coopération « n'est pas visible ». En fait, explique-t-il, « leur air de supériorité vient de leur sentiment d'insécurité vis-à-vis des Etats-Unis. C'est particulièrement vrai pour Mitterrand, qui vient d'un milieu provincial et qui n'a pas le côté cosmopolite d'un Giscard». «A la différence des Britanniques, des Allemands et des Italiens, ajoute-t-il, les Français ne cherchent pas à entretenir une «relation spéciale» avec les Etats-Unis. Ils coopèrent avec nous quand nos intérêts coïncident et se démarquent de nous, voire s'opposent à nous, quand ce n'est pas le cas. » Mais, quoi qu'il en soit, « regardez ce qu'ils font, pas ce qu'ils disent », et « ce qu'ils font » est « dans l'ensemble probablement mieux que ce que la plupart d'entre nous attendaient d'un président socialiste français ».
Fort de ces conseils, l'émissaire de Reagan entre dans le bureau de Mitterrand le 28 octobre à 18h30. L'atmosphère est tendue. En préambule, William Clark reconnaît que tout ne va pas si mal entre Paris et Washington. Il dit que son patron est satisfait que Mitterrand ait réitéré son opposition aux divers mouvements pacifistes et antinucléaires en Europe. Il remercie le président français de sa participation à la force multinationale au Liban et de son soutien à la politique de réarmement des Etats-Unis. Mais le ton change quand il en vient aux attaques publiques de la France contre les Etats-Unis. Si cette campagne continue, menace-t-il, « nous n'aurons pas d'autre choix que d'y répondre publiquement ». Mitterrand ne veut pas d'escalade. «Je suis en désaccord» avec le président Reagan sur l'Amérique centrale, dit-il, mais je ne souhaite pas que l'action de la France dans la région soit «un facteur de trouble » de la relation entre Paris et Washington. Je vais donc «réduire la présence française dans la région ». Et d'ajouter, conciliant : «Nous devons tous apaiser notre vocabulaire, Français et Américains. » Après deux heures de discussion, la brouille semble apaisée...


23 novembre 1982
« L'expérience d'Allende hante les socialistes »

Dans l'administration Reagan, certains considèrent François Mitterrand comme l'incarnation du diable, ou presque. Evan Galbraith, ambassadeur des Etats-Unis en France, est de ceux-là. Dans une note au secrétaire d'Etat George Shultz, qui s'apprête à venir à Paris enterrer la hache de guerre, Galbraith dit tout le mal qu'il faut penser du président français. « Ses vues sur nombre de sujets sont vagues, écrit-il Son leadership sur une large coalition s'est construit par l'ambiguïté et un style philosophique qu'il n'a pas changé en entrant à l'Elysée. Très peu d'officiels, même parmi les plus proches, savent ce qu'il pense. Et moins encore peuvent prédire ce qu'il va décider. [...] Si bien que les fonctionnaires de niveau inférieur ignorent ce qu'ils doivent faire. » La preuve : « Même notre requête concernant la délivrance de plaques d'immatriculation banalisées pour les voitures de l'ambassade [...] a dû être traitée par Mitterrand en personne. »
Sur l'avenir des relations transatlantiques, l'ambassadeur n'est guère plus encourageant. «Les Etats-Unis sont un bouc émissaire pratique aux problèmes économiques français et nous devons nous attendre à de nouvelles critiques publiques. [D'autant plus que] les socialistes (et Mitterrand lui-même) semblent penser que Washington préférerait un gouvernement de droite ici et que nous serions même prêts à précipiter un tel changement. L'expérience d'Allende hante les socialistes français comme un cauchemar lointain. [...] C'est pourquoi nous devons éviter d'être trop identifiés à l'opposition. » Dommage, semble-t-il penser.


Mitterrand dans les dossiers secrets de la Maison-Blanche (2)

25 février 1986.
Renverser Kadhafi
Parfait francophone, le général Vernon Walters est un habitué de l'Elysée. Sous de Gaulle, il était déjà l'interprète de Kennedy. Dans les années 1970, il était le numéro deux de la CIA, où il suivait de près les affaires européennes. Le voilà ambassadeur américain aux Nations unies et, de temps à autre, émissaire discret de la Maison-Blanche en France pour les affaires diplomatico-militaires. Ce 25 février, il a rendez-vous avec Mitterrand pour parler de la Libye. Sous le sceau de la confidence, il dit que les Etats-Unis veulent frapper le colonel Kadhafi, qui multiplie les actes terroristes en Occident. La Maison-Blanche aimerait que la France, qui a déjà affronté les forces libyennes au Tchad, participe aux opérations.
François Mitterrand ne veut pas s'engager sur des frappes. Mais il pourrait accepter que la France soutienne une action américaine contre la Libye en « tenant » le flanc sud, au Tchad. Pour cela, suggère-t-il, « les Etats-Unis pourraient nous fournir des données de reconnaissance aérienne et du matériel de transport lourd, mais cela doit être fait discrètement». « I l ne faut pas, insiste-t-il à deux reprises, que l'on donne l'impression qu'une superpuissance et une puissance majeure se liguent contre la [petite] Libye. Ce serait une erreur psychologique. » Plus tard, dans ses interviews, François Mitterrand niera toujours avoir demandé quoi que ce soit aux Américains. D'après le compte rendu de Vernon Walters, Mitterrand dit aussi «qu'il ne verrait pas d'inconvénient à une opération américaine visant à renverser Kadhafi ou à l'humilier, mais il répète que cela doit être fait de «manière très adroite» ».
Le 15 avril, la Maison-Blanche s'apprête à lancer l'opération «El Dorado Canyon», une série de frappes aériennes contre la Libye en représailles à un attentat commis dans une boîte de nuit à Berlin. Quelques heures avant l'heure H, Walters revient à Paris. Il sollicite le droit de survol du territoire français pour les avions américains basés en Grande-Bretagne - qui vont bombarder les cibles libyennes et notamment la propre maison de Kadhafi. François Mitterrand et son nouveau Premier ministre, Jacques Chirac, disent non. Ronald Reagan est outré par ce refus. Dans les Mémoires de l'ancien comédien, cet épisode fera l'objet de l'une des rares mentions des deux Français...

Le 29 avril 1986.
« Le patron, c'est toujours Mitterrand »
Délices de la cohabitation. Alors que Chirac s'est installé il y a un mois à Matignon, le «principal conseiller politique» de François Mitterrand prend un petit déjeuner avec un diplomate de l'ambassade des Etats-Unis à Paris. L'émissaire de l'Elysée est porteur « d'un message » de son patron. Il veut faire savoir à la Maison-Blanche qu'« en matière de politique étrangère, le patron c'est toujours lui». Prenez l'affaire du survol de la France par les F-111 en route vers la Libye, dit l'émissaire élyséen à l'Américain. Jacques Chirac vient de déclarer à la télévision que c'était lui qui avait pris la décision de refuser ce survol. N'en croyez rien. Sur cette question, lisez l'article du « Monde » daté de ce jour. « Cet article, rapporte le diplomate à son secrétaire d'Etat, montre en effet que François Mitterrand était au centre de toutes les décisions prises dans cette opération. » L'Américain note toutefois que, pour son enquête, le journaliste du « Monde » « a reçu un briefing complet, sur ordre direct du chef de l'Etat»...
Le conseiller de l'Elysée fait aussi des confidences à l'Américain sur la stratégie politique de son patron en matière de cohabitation : pour l'instant, «nous laissons le gouvernement gouverner, explique-t-il. Le président joue le rôle du défenseur de la Constitution et des institutions. Il a posé quelques marqueurs sur les privatisations, les libertés civiles. Mais le vrai clash aura lieu plus tard». Il n'est pas sûr de remporter ce futur bras de fer. Car « si la popularité de Mitterrand est élevée - 56 à 59% d'après les sondages -, environ 10% de ces personnes ne sont pas prêtes à voter maintenant pour lui à une élection présidentielle. Pour la gagner, il doit attendre une erreur de Chirac - le plus probablement en politique intérieure ».

31 mars 1987.
Chirac « l'extraverti » face à Reagan

A un an de son duel présidentiel avec François Mitterrand, Jacques Chirac est reçu à la Maison-Blanche. Les Américains ne sont pas dupes de ses motivations. « Comme il partage toujours le pouvoir avec le président Mitterrand, écrit un conseiller à Reagan, Chirac tient spécialement à apparaître comme un homme d'Etat aguerri capable de défendre les intérêts français tout en cultivant une relation harmonieuse avec vous.» Délicat équilibre.
Un conseiller dresse à Reagan un portrait plutôt flatteur de son visiteur. « A la différence de beaucoup de Français, Chirac est un extraverti, écrit-il ; il aime aller à la rencontre de l'homme de la rue. A la différence du président socialiste, il n'est pas un intellectuel et, en général, il aborde les problèmes de façon pragmatique. » Avec lui, cependant, tout ne sera pas facile. « Il est aussi fortement nationaliste et présentera son pays avec force et persistance comme la victime dans les différends commerciaux avec nous. » Mais on sait comment l'amadouer : « Chirac se vante de sa connaissance de l'Amérique. Il a écrit une thèse sur le port de La Nouvelle-Orléans, a suivi des cours d'été à Harvard et a fait du stop à travers les Etats-Unis. Il apprécierait particulièrement tout compliment sur sa compréhension de notre pays. »
«Je suis toujours heureux de venir aux Etats-Unis », déclare d'emblée Jacques Chirac à son hôte. «Je sais, répond Ronald Reagan, sa fiche à la main, vous connaissez bien ce pays; après tout, vous y avez étudié et beaucoup voyagé, n'est-ce pas ?» Le Français biche, mais ne fléchit pas... Il dit ses différends avec l'Amérique. Il est inquiet des négociations en cours entre Gorbatchev et Reagan sur le désarmement nucléaire en Europe. Il redoute qu'elles ne conduisent à un découplage stratégique entre les Etats-Unis et le Vieux Continent. Et il prévient que la France «s'opposera à toute politique qui aboutirait à une dénucléarisation de l'Europe ». Martial, il dit que, grâce à l'aide secrète des Etats-Unis, la force de frappe de la France « nous donnera bientôt la possibilité de détruire 50% des villes soviétiques » et qu'il n'entend absolument pas se séparer de cette capacité de dissuasion.
Sur les affaires commerciales, le ton monte encore. Jacques Chirac attaque brutalement Ronald Reagan. «La France est furieuse contre les techniques de négociation employées par les Etats-Unis », dit-il. Les mesures prises par l'Amérique contre le cognac et le fromage sont des «prises d'otages» et «les accusations contre Airbus sont infondées ». « Tout cela peut aboutir à une confrontation sérieuse entre nous », prévient- il. Enfin, Chirac fait la leçon au président des Etats-Unis sur l'un de ses dadas : « Si nous ne faisons rien pour régler la dette du tiers-monde, dit- il, les pays les moins avancés se tourneront vers le marxisme à la mode Gorbatchev. » Dans les archives, il n'est pas dit si Reagan a vraiment apprécié ce Français si extraverti... La veille de l'élection présidentielle, en mai 1988, on lui a préparé le texte du coup de fil qu'il devra passer au vainqueur, l'un à l'attention de Mitterrand, l'autre de Chirac. Ils étaient identiques.

29 septembre 1988.
« Nous formons un vieux couple »
Dernière rencontre entre François Mitterrand, fraîchement réélu, et Ronald Reagan, qui achève son second mandat. Au cours du dîner à la Maison-Blanche, les deux chefs d'Etat se font d'émouvants adieux.
« Nous n'avons pas toujours été d'accord, déclare François Mitterrand. Mais dire non permet de dire oui. J'ai apprécié votre courtoisie et votre élégance. Dans un mois, vous ne serez plus président des Etats-Unis, mais vous le serez toujours dans le coeur des Américains. Et vous le serez également dans le mien.» «Nous sommes des amis, répond Ronald Reagan. Nous formons un vieux couple. C'est toujours difficile de se séparer. »

http://globe.blogs.nouvelobs.com/archive/2010/08/22/francois-mitterrand-vu-de-washington.html

William Crapo Durant

William Crapo Durant surnommé Bill ou Billy (8 décembre 1861 - 18 mars 1947) est un financier industriel américain d'origine française, pionnier de l'industrie automobile, fondateur de l'empire industriel General Motors en 1908 et de Chevrolet en 1911.

Petit-fils du gouverneur du Michigan Henry H. Crapo, William C. Durant a d’abord créé en 1890 une société de fabrication de chariots hippomobiles à Flint, Michigan, expérience qui amène en 1904 le concurrent Buick à en faire son directeur général. En trois ans, Durant fait passer la production annuelle de Buick de 37 voitures en 1904 à 8 000.

Le 16 septembre 1908, il crée GM, alors que le rival Ford vend des voitures à moteur depuis déjà cinq ans et lance 11 jours après sa Ford T. Très vite, GM émet des actions cotées en bourse, fusionne avec Buick puis rachète en 1908 la marque Oldsmobile, créée en 1897 et qui avait ouvert en 1899 la première usine automobile et lancé en 1901 le modèle Curved Dash, la première voiture américaine fabriquée en série. GM rachète en 1909 Oakland (aujourd’hui rebaptisé Pontiac) et Cadillac, ainsi que des fournisseurs de composants et des fabricants de camions. Il tente de racheter Ford pour 9,5 millions de dollars en 1909 puis abandonne. Les banquiers lui prêtent 15 millions de dollars, en échange, ils peuvent nommer le PDG du groupe.

En 1910, les ventes de voitures chutent et quelque 18 constructeurs cessent leurs activités. Inquiètes de voir Durant promettre de vendre un jour 300 000 voitures, les banques l’évincent de la direction de GM en nommant comme vice-président Walter Chrysler. Durant recrée un « nouveau GM », en copiant dès 1910 la Ford T du rival Henry Ford, avec la Little Car, puis fusionne avec la société créée par le pilote Louis Chevrolet, qui donne son nom au nouveau groupe.

Pas d’accord sur le design des voitures, Durant rachète ses parts à Chevrolet et l’évince de la direction en 1915, l’année où GM entre dans l'indice Dow Jones. Entre 1915 et 1917, la production de Chevrolet passe de 10 000 unités à plus de 100 000. Le modèle vedette du groupe est la Chevrolet 490, baptisée ainsi car elle est vendue 490 $, quand le modèle T de Ford coûte 850 USD. En 1916, l'action de GM dépasse 1 000 dollars sur le NYSE, phénomène très rare à l'époque.

En 1918, il introduit la marque Frigidaire qui fabrique à l'origine des réfrigérateurs et plus tard, une gamme complète d'électroménagers et des climatiseurs pour voitures. Il est évincé en 1920 par son allié, Eleuthère Irénée du Pont de Nemours, président du groupe chimique éponyme.

In 1920, Pierre S. du Pont was elected president of General Motors. Under du Pont's guidance, GM became the number one automobile company in the world. However, in 1957, because of DuPont's influence within GM, further action under the Clayton Antitrust Act forced DuPont to divest itself of its shares of General Motors.


http://fr.wikipedia.org/wiki/General_Motors

N'oublions pas La Chevrolet Corvette, une famille d'automobiles américaines sportives, lancée le 30 juin 1953.

Louis Chevrolet (25 décembre 1878 à La Chaux-de-Fonds, Suisse - 6 juin 1941 à Détroit, États-Unis) fut un mécanicien et un entrepreneur automobile helvético-américain. Il fonda la marque d'automobile « Chevrolet » en 1911.

Né en Suisse, à La Chaux-de-Fonds, comme Blaise Cendrars et Le Corbusier, il ne passera cependant que ses six premières semaines dans la ville horlogère.
Sa famille déménage ensuite dans l'actuel canton du Jura, d'où elle est originaire, à Bonfol et à Beurnevésin, en Ajoie, où Louis accomplit une partie de sa scolarité. La famille de Louis Chevrolet déménage ensuite à Beaune en France en 1887.
Engagé en tant que mécanicien chez un marchand de cycles de Beaune (côte-d'or) relativement proche de la Suisse, il y pratique la course cycliste. Il part ensuite à Paris en 1899 où il sera coureur cycliste sur piste et où il travaille pour la firme automobile Darracq avant de traverser l'Atlantique et de s'installer à New York en 1900 après un bref passage par Montréal.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Chevrolet

vendredi 20 août 2010

"lorsqu'il a été élu, on m'expliquait que je devrais m'inspirer de la politique généreuse, de régularisations massives, qu'allait mener Barack Obama"

AFP

Besson ironise sur la politique d'Obama en matière d'immigration

Le ministre de l'Immigration Eric Besson a ironisé jeudi à Washington sur les 600 millions de dollars débloqués par Barack Obama pour renforcer la sécurité à la frontière mexicaine, estimant que si l'Europe en faisait autant "en France, on en entendrait parler".

"Je me souviens que lorsqu'il a été élu, on m'expliquait que je devrais m'inspirer de la politique généreuse, de régularisations massives, qu'allait mener Barack Obama", a déclaré le ministre lors d'un point presse en marge d'une rencontre avec la ministre américaine à la Sécurité intérieure Janet Napolitano.

"Si demain l'Union européenne décidait d'accorder 600 millions de plus à la protection de ses frontières, je pense qu'en France on en entendrait parler", a ironisé M. Besson.

"Les Etats-Unis font ce qu'ils veulent, ils sont maîtres chez eux, je n'ai pas d'avis à exprimer, je constate simplement que ce n'est pas tout à fait ce qu'en France on avait cru comprendre de ce que disait Barack Obama sur l'immigration", a encore réagi le ministre.

Le président américain a promulgué la semaine dernière un plan de 600 millions de dollars, prévoyant le déploiement de 1.500 agents supplémentaires ainsi que la mise en service de drones (avions sans pilotes) supplémentaires le long des 3.100 km de frontière que se partagent Etats-Unis et Mexique.

Au premier jour d'une série d'expulsions de Roms vers la Roumanie et la Bulgarie, Eric Besson a signé jeudi à Washington avec Janet Napolitano "un arrangement législatif" autorisant le déploiement à partir du 28 août à Roissy de quatre agents américains.

Ces "agents de liaison" pourront identifier les passagers embarquant pour les Etats-Unis sur lesquels ils auraient un doute et conseiller à la compagnie aérienne de ne pas les laisser embarquer.

"On a accepté sur une base réciproque. Si nous voulons installer des officiers dans les principaux aéroports américains, nous pourrons le faire", a précisé M. Besson, affirmant qu'à ce stade, nous ne le prévoyons pas".

Le ministre a également annoncé avoir obtenu un accord de principe de la part de l'administration américaine pour participer le 6 septembre, puis les 21 et 22 octobre, à deux réunions des principaux pays européens, des Etats-Unis et du Canada sur la lutte contre les filières de l'immigration clandestine.

------------

UPDATE: 28 sept 2011

Les Etats-Unis ont expulsé une moyenne de 350.000 clandestins au cours des trois dernières années, un record historique.

http://www.leparisien.fr/flash-actualite-monde/etats-unis-vaste-coup-de-filet-contre-2-900-sans-papiers-28-09-2011-1629819.php

------------

"Never before has Mexico seen so many American Jeffreys, Jennifers and Aidens in its classrooms. The wave of deportations in the past few years, along with tougher state laws and persistent unemployment, have all created a mass exodus of Mexican parents who are leaving with their American sons and daughters."

http://www.nytimes.com/2012/06/19/world/americas/american-born-children-struggle-to-adjust-in-mexico.html

------------

(...)

UN PRIX NOBEL DE LA PAIX OBSÉDÉ PAR LA GUERRE ÉLECTRONIQUE

Mais le pire pour Barack Obama est probablement qu'il se retrouve pris à son propre piège. Rarement président des Etats-Unis n'aura bénéficié d'un tel capital de confiance avant même le début de son mandat. Parce qu'il était un jeune sénateur à la carrière fulgurante promettant de remettre l'Amérique sur les rails. Parce qu'il était le premier métis accédant à la Maison Blanche et qu'il avait fondé sa profession de foi sur la fermeture de Guantanamo, la réconciliation avec les nations et les peuples catastrophés par les huit années de pouvoir de George W. Bush, parce qu'il invoquait les droits de l'homme et la justice dans chacun de ses discours à la Nation, parce qu'il promettait une vaste réforme du système de l'immigration qui est devenu, aux Etats-Unis, un véritable système de chasse à l'homme. Il avait même bénéficié d'un couronnement spectaculaire de la part de la communauté internationale, en se voyant décerné en 2009 le Prix Nobel de la Paix, à peine un an après son accession au pouvoir pour, selon le Comité du Prix Nobel, « ses efforts extraordinaires afin de renforcer la diplomatie internationale et la coopération entre les peuples ».

Moins de quatre années plus tard et tandis qu'il s'apprête à obtenir, sans trop de doutes, sa réélection par défaut, les Républicains peinant à le combattre sur des terrains où ils ne sont guère à l'aise et ne parvenant pas à afficher une ligne économique claire réclamée par le peuple américain, le bilan d'Obama est accablant.

En 2010, Barack Obama a fait le choix d'apposer sa signature sur la promulgation de la loi reconduisant le Patriot Act, assortie de la possibilité pour le président de prendre des mesures arbitraires, en dehors de tout contrôle du Congrès américain, pour la détention illimitée de tout individu suspect au regard des critères on ne peut plus flous définissant la suspicion d'activités en lien avec le terrorisme ou pour la décision d'assassiner partout où cela lui semble nécessaire tout individu, y compris américain, constituant à ses yeux une menace pour les Etats-Unis. Il a opposé aux vives critiques suivant les révélations des tortures menées par plusieurs agences gouvernementales - un cas récent de centre de torture officieux a encore été mis à jour en Pologne - un applomb digne des plus féroces Commandants en Chef. La fermeture de Guantanamo, même si on lui prête l'intention de l'annoncé dans la dernière ligne droite de sa campagne électorale pour regagner un peu en crédibilité, n'a jamais été posée sur la table pour des motifs inconnus. Ironique sur le cas du soldat Manning, soupçonné d'avoir transmis une partie des informations divulguées par le site WikiLeaks, il ne fait pas mystère de son désir de voir la justice frapper fort contre le jeune soldat qui passe en cour martiale en Janvier 2013 alors même que son administration ne transmet qu'au compte goutte à la défense de Manning les éléments nécessaires à l'établissement de sa défense, piétinant le code de procédure pénale américain, et rêve d'obtenir la tête de Julian Assange.

Sur le front de l'immigration, Obama a fait des brigades ICE le bras armé de son administration, qui sème la terreur parmi les immigrants illégaux présents sur le territoire américain. Des enfants en bas âge témoins de l'arrestation violente de leurs parents "déportés" vers leurs pays d'origine et bloqués durant des semaines dans des centres de déportation comme on les nomme ici, parfois livrés à eux-mêmes dans ces lieux où les caméras sont interdites, avant d'être confiés à des orphelinats. Un demi-million de recours d'immigrants arrêtés que les tribunaux refusent de juger, les uns parce qu'ils dénoncent l'arbitraire, les autres parce qu'ils n'en n'ont tout simplement pas la capacité humaine ou technique devant un tel engorgement. Un demi-million de personnes expulsées du territoire sans avoir pu user de leur droit de passer en audience devant un juge de l'immigration.

Surtout, la réforme promise par Obama, si elle est restée lettre morte, n'en n'a pas moins existé sous une forme bien plus pernicieuse. Plus de 500 millions de dollars ont été attribués à l'USCIS, l'agence gouvernementale de l'immigration, pour une vaste opération esthétique de sa communication vantant les immigrants "méritoires", tandis que l'attribution de visas à des compétences a été réduites à tel point que des centaines de grandes entreprises américaines et de startups ont du faire face à une pénurie. L'administration Obama a mis sur les rails, en réalité, une réforme qui redéfinit l'immigration selon des critères financiers. Par exemple, la relance du fameux visa E5, qui assouplit l'attribution de visas pour les entrepreneurs, ne se fondent plus sur la qualité de ces entrepreneurs mais sur leur degré d'investissement en espèce sonnante et trébuchante. A l'heure actuelle, un visa pour les Etats-Unis peut-être obtenu quasi systématiquement pour une somme allant de 1 à 5 millions de dollars. La loi DOMA sur la réunification des familles subit revers sur revers. Il faut actuellement en moyenne 27 années aux membres de la famille d'un immigré philippin pour le rejoindre aux Etats-Unis. Le résultat: des nationalités telles que les Indiens, très en pointe dans l'apport sur le marché américain de hauts diplomés dans les domaines de l'ingénierie, de la médecine ou de la recherche fondamentale, ne demande plus le renouvellement de leur visa de travail et repartent chez eux. Quant à la récente ouverture en faveur des 800 000 enfants d'illégaux qui sont nés aux Etats-Unis et doivent prochainement obtenir le droit de se voir régularisés, elle patine sérieusement. Non seulement ses modalités demeurent floues mais il n'est apporté aucune garantie aux candidats potentiels sur les conséquences, pour leurs familles, d'une sortie du bois. Purement électoraliste et accueillie dans un premier temps avec soulagement par cette population prise en otage d'une clandestinité involontaire et appeurante au quotidien, cette mesure suscite désormais beaucoup de méfiance.

Il faut rappeler que chaque jour, les brigades ICE interpellent à travers tous les Etats-Unis des illégaux coupables de délits mineux qui sont désormais considérés comme un obstacle à la régularisation de leur situation: possession de cannabis, tentative de passer un permi de conduire dans un pays où il est difficile de survivre et de travailler sans en posséder un et même, errance sur la voie publique.

Les drones américains ont désormais l'autorisation de survoler le territoire américain. La TSA multiplie les exactions dans les aéroports du pays. Les moyens de la NSA sont déployés à travers tout le pays comme une toile aux mailles de plus en plus serrées à l'écoute des habitants. Les systèmes de localisation, en particulier via le GPS, se passent de tout mandat administratif ou judiciaire. Filmer ou photographier la police en action tend à devenir un délit. A Porto Rico, les cas de violence policières et d'entrave au premier amendement - celui de la sacro-sainte liberté d'expression - se multiplient. (...)

http://www.marianne2.fr/obj-washington/Droits-de-l-Homme-Jimmy-Carter-denonce-l-imposture-de-Barack-Obama_a113.html

mercredi 11 août 2010

L'Amérique est maintenant sur une route mal éclairée, mal pavée, qui ne mène nulle part.

L'Amérique plonge dans le noir

Les lumières s'éteignent dans toute l'Amérique. Littéralement. Colorado Springs a fait la une des journaux avec sa tentative désespérée d'économiser de l'argent en éteignant un tiers de son éclairage urbain, mais des choses similaires ont lieu ou sont à l'étude dans tout le pays, de Philadelphie à Fresno.

Dans le même temps, un pays dont les investissements visionnaires dans les transports, du Canal Erié au système autoroutier inter-états, épatait le monde, est en train de dépaver : dans un certain nombre d'états, les routes que les gouvernements locaux ne peuvent plus se permettre d'entretenir, sont détruites et retournent à l'état de gravier.

Et ce pays qui autrefois valorisait l'éducation, qui fut l'un des premiers à offrir un enseignement de base à tous ses enfants, est maintenant en train de revenir en arrière. On licencie des enseignants, on annule des programmes, à Hawaï on raccourcit même l'année scolaire de manière drastique. Et tout indique qu'il y aura d'autres coupes.

On nous dit que nous n'avons pas le choix, que les fonctions élémentaires du gouvernement - des services essentiels qui existent depuis des générations - ne sont plus dans nos moyens. Et il est vrai que les gouvernements locaux et nationaux, fortement frappés par la récession, sont à sec. Mais ils ne le seraient pas autant si les hommes politiques voulaient bien envisager ne serait-ce que quelques augmentations d'impôts.

Et le gouvernement fédéral, qui peut vendre des obligations à long terme préservées de l'inflation à un taux d'intérêt de seulement 1,04 pour cent, n'est pas du tout à sec. Il pourrait et il devrait offrir son aide aux gouvernements locaux, pour protéger l'avenir de nos infrastructures et de nos enfants.

Mais Washington ne fournit qu'un petit filet d'aides, et encore à contre-cœur. Notre priorité doit être la réduction des déficits, disent les républicains et les démocrates "centristes". Or l'instant d'après, ils déclarent que nous devons préserver les réductions d'impôts pour les très aisés, pour un coût budgétaire de 7000 milliards de dollars sur les dix prochaines années.

En réalité, une grande partie de notre classe politique montre ses priorités : s'il faut choisir entre demander aux plus ou moins 2 pour cent d'Américains les plus riches de recommencer à payer les impôts qu'ils payaient du temps de Clinton, ou laisser les fondations du pays partir en miettes - littéralement quand il s'agit des routes, au sens figuré pour l'éducation - ils optent pour le second.

C'est un choix catastrophique à court comme à long terme.

À court terme, ces économies locales et nationales représentent un sévère frein pour l'économie, perpétuant un taux de chômage désastreusement élevé.

Il est essentiel de garder à l'esprit les gouvernements locaux et d'états quand on entend les gens déblatérer sur les gaspillages du gouvernement de Barack Obama. Oui, le gouvernement fédéral dépense davantage, mais finalement pas tant que vous pourriez le croire. Mais les gouvernements locaux et d'états dépensent moins. Et si on fait le compte, il s'avère que les seules grosses augmentations de dépenses ont concerné les programmes de filets sociaux comme l'assurance-chômage, dont les coûts ont explosé à cause de la gravité de la crise.

C'est-à-dire, malgré tout le discours sur la relance ratée, si on regarde les dépenses gouvernementales dans leur ensemble, on ne voit quasiment pas de relance. Et maintenant, avec la diminution des dépenses fédérales, on va dans le sens inverse.

Mais maintenir les impôts des riches à un niveau faible, n'est-ce pas non plus une forme de relance ? Pas clairement. Quand on sauve un poste de professeur des écoles, cela favorise clairement l'emploi. Or quand on donne plus d'argent à des millionnaires, il y a de grandes chances pour qu'une grande partie de cet argent ne fasse que dormir.

Et qu'en est-il de l'avenir de l'économie ? Tout ce que nous savons de la croissance économique nous dit qu'il est essentiel d'avoir une population bien éduquée et des infrastructures de haute qualité. Les nations émergentes font d'énormes efforts pour améliorer leurs routes, leurs ports et leurs écoles. Or en Amérique nous reculons.

Comment en sommes-nous arrivés là ? C'est la conséquence logique de trente ans de rhétorique anti-gouvernement, une rhétorique qui a convaincu de nombreux électeurs qu'un dollar donné aux impôts est un dollar gaspillé, que le secteur public ne peut rien faire de bon.

La campagne anti-gouvernement s'est toujours exprimée dans des termes d'opposition au gaspillage et à la fraude - aux chèques envoyés à des "welfare queen" roulant en Cadillac, aux vastes armées de bureaucrates qui perdent leur temps à gratter le papier. Mais c'étaient des mythes, évidemment. Et maintenant que la campagne porte ses fruits, on voit ce qui était visé : des services dont tous ont besoin sauf les riches, des services que le gouvernement doit fournir, sinon personne ne le fera, comme des rues éclairées, des routes praticables et un enseignement digne de ce nom pour tout le monde.

Alors le résultat final de la longue campagne contre le gouvernement est que nous avons pris un virage catastrophique. L'Amérique est maintenant sur une route mal éclairée, mal pavée, qui ne mène nulle part.

Paul Krugman
Prix Nobel d'économie 2008

Pomme de Terre Lake

Pomme de Terre Lake is located in South-West Missouri at the confluence of Lindley creek and the Pomme de Terre River (for which it is named). The lake is located in southern Hickory and northern Polk Counties, about 50 miles (80 km) north of Springfield, Missouri. The name is French and literally translated means "earth apple", which in English is a potato.

http://en.wikipedia.org/wiki/Pomme_de_Terre_Lake

lundi 9 août 2010

L’Europe fait du pied à Hollywood

Süddeutsche Zeitung Munich

Depuis des années, plusieurs pays européens rivalisent à coup de cadeaux fiscaux et de subventions pour attirer dans leurs studios les grosses productions américaines. Bonne dernière, la France a décidé de se joindre à eux, mais manque encore de structures adaptées.

Woody Allen est déjà là, Martin Scorsese et Clint Eastwood sont annoncés, et même Madonna veut tourner des scènes de son troisième film à Paris. Cet été, il flotte comme un parfum d’Hollywood au-dessus de la capitale française. La raison : depuis le début de l’année, la France accorde un abattement fiscal de 20 % aux producteurs étrangers. Les réalisateurs américains peuvent économiser jusqu’à quatre millions d’euros sur leur budget. “En faisant cela, la France a repris le concept qui a réussi à l’Allemagne”, constate Udo Bomnüter, producteur et écrivain berlinois.

Depuis 2007, le Fonds allemand de subventions cinématographiques (DFFF) couvre au même niveau les frais de production, dans certaines conditions. Le DFFF remplace les Medienfonds (fonds médiatiques), très appréciés en Allemagne du point de vue économique, mais surnommés “stupid german money” ("stupide argent allemand") à Los Angeles, car dès le début, ils ont investi dans des flops. Avec le DFFF, l’Allemagne suit de nouveau les traces de la Grand-Bretagne et de l’Irlande, les premières à offrir des cadeaux aux productions étrangères. “Il règne une vigoureuse concurrence fiscale en Europe, poursuit Bomnüter, et Hollywood l'observe d’un œil attentif”.

On assiste ainsi à un tourisme du lieu de tournage : les réalisateurs américains réputés se rendent de paradis fiscal en paradis fiscal. Longtemps, la France a avant tout promu son industrie cinématographique nationale, plus qu’aucun autre pays en Europe. A Paris, les films font figure de patrimoine culturel digne d’être protégé. “Si aujourd’hui des avantages fiscaux sont proposés aux producteurs étrangers, c’est aussi une question de prestige,” explique Patricia Scheller, qui a écrit avec Bomnüter un livre sur les stratégies européennes de subventions dans le cinéma. La France n'acceptait plus que les grands réalisateurs aillent tourner à l’étranger des scènes censées se passer à Paris. Ainsi, Quentin Tarantino a en partie tourné Inglourious Basterds à Babelsberg, Olivier Dahan a réalisé son hommage à Edith Piaf, La Môme, à Prague et Steven Spielberg a reconstitué le Jour J pour Il faut sauver le soldat Ryan, non en Normandie, mais en Irlande.

En somme, entre dix et vingt grosses productions américaines sont passées de la sorte sous le nez de la France. Cette époque est désormais révolue. “La France va de nouveau être filmée en France,” lance Franck Priot, Délégué général adjoint de la Commission de Film France, l’autorité qui s’efforce de séduire les cinéastes étrangers. Il semble d’ores et déjà satisfait du résultat de cette offensive fiscale. Cette année, Paris a servi de décor à plus d’une vingtaine de productions étrangères. L’année précédente, un seul réalisateur étranger célèbre, le Britannique Christopher Nolan, avait tourné des scènes de son film Inception dans la capitale française.

Les pays européens jouent des coudes pour attirer les films étrangers parce que les réalisateurs créent beaucoup de travail. Ils emploient des cameramen, des ingénieurs son et lumière, des costumiers et des maquilleurs. Woody Allen a même permis à la première dame de France Carla Bruni de faire ses débuts au cinéma - charmant "retour sur investissement" du cadeau fiscal. De plus, en dehors des coûts de production, les Américains dépensent beaucoup d’argent dans le pays : ils s’installent pendant des semaines dans des hôtels de luxe, louent des lieux de tournage onéreux. Sofia Coppola a par exemple payé 300 000 euros pour pouvoir tourner pendant deux mois au château de Versailles. Paris présente cependant un inconvénient par rapport à Londres ou Berlin : on n’y trouve pas de grands studios de cinémas comme Pinewood et Babelsberg. Mais là encore, la France va y remédier. En 2012, le réalisateur Luc Besson compte ouvrir sa Cité du Cinéma au nord de la capitale.