mercredi 29 février 2012

Le déclin du rêve américain

Obsolète le rêve américain ? La promesse qu'un homme de rien puisse, aux Etats-Unis, plus que nulle part ailleurs, nourrir les espoirs de fortune les plus délirants, n'est-il plus qu'une chimère ? Le constat cruel, presque déshonorant pour la première économie mondiale, a été dressé par les équipes mêmes du président américain, Barack Obama, mi-février. En page 177 du rapport économique annuel du président remis au Congrès figure ce qu'on appelle "la courbe de Gatsby le Magnifique". Le roman de Francis Scott Fitzgerald, peinture de la vanité bourgeoise de l'Amérique des années 1920, donne son nom à un graphique où se croisent, sur un axe horizontal, les données mesurant le degré d'inégalité des revenus et, à la verticale, le lien entre le revenu du père et celui de ses descendants, baromètre de la mobilité sociale.
Que nous dit cette courbe ? Quel que soit l'angle sous lequel on l'observe, les Etats-Unis sont les plus mauvais. Les inégalités de richesses se mêlent à un immobilisme social que l'on pensait réservé à la Veille Europe. L'Amérique de Paris Hilton se range ainsi loin derrière les pays nordiques, mais aussi derrière la France, la Nouvelle-Zélande, le Japon et le Royaume-Uni...

L'ampleur et la distorsion des richesses outre-Atlantique ont déjà été démontrées par les travaux de l'économiste et historien français Thomas Piketty. Mais aborder cette question avec un Américain et il vous sera répondu que "les riches sont riches parce qu'ils le méritent". Que l'idée quasi communiste qui consisterait à prendre aux fortunés pour donner aux plus démunis n'est pas une juste récompense du talent. A force de pugnacité, un citoyen américain ne doit-il pas un jour ou l'autre être en mesure d'atteindre le haut de la pile ? "No pain, no gain", entend-on. La "courbe de Gatsby le Magnifique" offre un démenti cinglant à cette théorie. Et aux Etats-Unis comme ailleurs le "talent" se résume bien souvent à hériter.

Le système éducatif américain, autrefois considéré comme le meilleur "égalisateur de société", est partie responsable. Une étude récente du Michigan, citée par le New York Times, révèle que l'écart de performances entre les étudiants riches et pauvres a bondi de 50 % depuis les années 1980. Plus que la race, la richesse fait aujourd'hui la différence à l'école.

Et ensuite ? L'espoir de la bonne fortune d'un ouvrier américain s'amoindrit aussi. La crise et le chômage qui tendent l'un comme l'autre à comprimer les salaires n'expliquent pas tout. Car en page 65 du même rapport figure "l'autre graphique le plus commenté" par les experts : une courbe démontrant que, depuis les années 2000, le travail d'un Américain est de plus en plus mal rétribué alors que les entreprises amassent de plus en plus de bénéfices. Résultat, les profits des compagnies américaines à 13 % du produit intérieur brut sont historiquement élevés, observe Evariste Lefeuvre, chez Natixis à New York.

Le sujet du rapport économique, remis en pleine année électorale, ne doit rien au hasard. En insistant sur les inégalités sociales, le document offre des arguments censés être imparables aux démocrates pour défendre l'idée d'une fiscalité plus redistributive. Quitte à surfer sur le populisme.

Après avoir vanté la "Règle Buffett", du nom du milliardaire américain Warren Buffett appelant à taxer davantage les super-riches comme lui, le président a lancé, mercredi 22 février, une salve contre les profits des entreprises. Une initiative audacieuse et dangereuse dans un pays où la liberté d'entreprendre est sacrée. Pour ne pas choquer, l'idée a consisté en façade à réduire le taux d'imposition sur les bénéfices de 35 % à 28 %. En façade seulement, car le dispositif vise aussi à supprimer la plupart des niches fiscales utilisées par les multinationales. Le projet mort né - il n'a aucune chance d'être adopté par un Congrès où la chambre des représentants est à majorité républicaine - a néanmoins permis de démontrer que les compagnies américaines ne payaient presque jamais le taux plein. De quoi nourrir des rancoeurs inédites ? Quelques jours plus tard, le 24 février, le quotidien USA Today titrait sur l'explosion de l'extrême pauvreté aux Etats-Unis, indiquant que le nombre de familles vivant avec moins de deux dollars par jour avait plus que doublé en quinze ans, passant de 636 000 en 1996 à 1,5 million en 2011.

Mais l'argument le plus favorable à Barack Obama se trouve peut-être tout simplement chez son adversaire, le candidat républicain Mitt Romney. Ancien patron de la société de capital investissement Bain Capital, l'homme est à lui seul une démonstration de l'injustice fiscale américaine. Sa petite fortune engrangée grâce à son fonds d'investissement est taxée à hauteur de 15 % comme tout revenu du capital. De quoi ranger le candidat dans le camp de ces hommes d'affaires moins imposés que leur secrétaire puisque les revenus du travail, eux, sont taxés entre 10 % et 35 %.

Quelques mois après les manifestations des Occupy Wall Street opposant les 1 % de privilégiés qui continuent imperturbablement à s'enrichir aux autres 99 %, le débat que tente de faire naître Barack Obama peut avoir un parfum de lutte des classes. Inadéquat avec la culture américaine ? Un sondage publié par le New York Times et la chaîne de télévision CBS News soulignait, en octobre 2011, que 66 % des Américains pensent que la distribution des revenus et des richesses aux Etats-Unis devrait "être plus équitable".

Le Monde

lundi 27 février 2012

"The Artist" : du jamais-vu pour un film français à Hollywood


Les bookmakers américains avaient raison, qui attribuaient l'Oscar du meilleur film à The Artist. Neuf mois après sa présentation au Festival de Cannes, le long métrage muet, en noir et blanc et au format 4:3 de Michel Hazanavicius a remporté cinq trophées lors de la 84e cérémonie des Academy Awards, célébrée dimanche 26 février à Los Angeles.
Outre l'Oscar du meilleur film, les votants de l'Académie des arts et sciences du cinéma ont décerné les trophées du meilleur réalisateur à Michel Hazanavicius, du meilleur acteur à Jean Dujardin, de la meilleure musique à Ludovic Bource et des meilleurs costumes à Mark Bridges. C'est la première fois qu'un film français remporte un tel succès. La carrière de The Artist aux Etats-Unis devrait connaître une nouvelle jeunesse. Depuis sa sortie, en novembre 2011, le film a rapporté près de 30 millions de dollars (22 millions d'euros) de recettes.

Sur la scène de l'Hollywood and Highland Centre (l'ex-Kodak Theatre, débaptisé à la suite de la faillite du fabricant de pellicule), l'accent français s'est fait entendre dans toute sa splendeur. Ludovic Bource a salué les autres compositeurs nommés, parmi lesquels John Williams, le musicien de Steven Spielberg. Michel Hazanavicius avait oublié son discours lorsqu'il a reçu l'Oscar du réalisateur, et s'en est manifestement souvenu en remontant sur scène lors de la remise de l'Oscar du meilleur film.

Il a alors remercié trois personnes : "Billy Wilder, Billy Wilder et Billy Wilder." Entre-temps, Jean Dujardin avait salué la mémoire de Douglas Fairbanks, l'un des modèles du personnage de Georges Valentin dans The Artist. Il a ensuite montré au public "ce que Georges Valentin dirait s'il n'était pas muet" et s'est écrié, en français : "Putain, génial merci !". Contrairement aux jurons américains, celui-ci n'a pas été recouvert d'un bip par les censeurs de la chaîne ABC, propriété du groupe Disney, qui retransmettait la cérémonie.

C'est le producteur Thomas Langmann qui a reçu l'Oscar du meilleur film, ce qui lui a permis d'introduire à Hollywood une tradition française en remerciant son père, Claude Berri, mort en 2009, comme tous les professionnels du cinéma ont coutume de le faire lors des remises de Césars. Jusqu'ici, Claude Berri était le seul producteur français à avoir été nommé à l'Oscar, pour Tess, de Polanski, en 1980.

En nombre de trophées, The Artist a fait jeu égal avec un autre film qui évoque le temps du cinéma muet, Hugo Cabret, de Martin Scorsese. Mais cette production colossale dont le budget est estimé à quinze fois celui de The Artist (qui s'élevait à 13,5 millions d'euros) a dû se contenter de récompenses dans les catégories techniques : image, effets spéciaux, décors, prise de son et montage son.

George Clooney, vedette de The Descendants, Brad Pitt pour Le Stratège, Gary Oldman, nommé pour la première fois en un quart de siècle de carrière pour La Taupe, et l'acteur mexicain Demien Bichir (nommé pour A Better Life, inédit en France) ont donc laissé l'Oscar à Jean Dujardin. En toute logique - le trophée du maquillage ayant été attribué à La Dame de fer -, c'est la maquillée, Meryl Streep, qui a reçu l'Oscar de la meilleure actrice.

Quant à Woody Allen, absent, comme à son habitude, il recevra probablement son Oscar du scénario original par la poste.(...)

Présenté par Billy Crystal, 63 ans, héritier des comiques du music-hall des années 1930, Henny Youngman ou George Burns, le chassé-croisé autour du cinéma muet (The Artist rendant hommage aux premières stars hollywoodiennes, Hugo Cabret rendant la politesse à Méliès, sans parler de la nostalgie parisienne de Woody Allen) n'incitait pas au futurisme.

Dans les semaines qui ont précédé la cérémonie, l'Académie s'était par ailleurs distinguée par son conservatisme, refusant que les Muppets viennent interpréter leur chanson s'ils gagnaient l'Oscar (ce qui est arrivé) ou cherchant à confisquer les billets de l'acteur Sacha Baron Cohen, qui avait manifesté l'intention de fouler le tapis rouge en uniforme de dictateur moyen-oriental, afin de promouvoir son prochain film. Finalement, le comédien a mis sa menace à exécution, apparaissant grimé, une urne funéraire au nom de Kim Jong-il sous le bras, parce que, a-t-il expliqué, le dirigeant nord-coréen avait "toujours rêvé" d'assister aux Oscars.

Le Monde

jeudi 16 février 2012

"Unfriend finder" indique qui vous a supprimé de sa liste d'amis. L'application cartonne.

Vous vous êtes probablement déjà rendu compte que vous n'aviez plus accès au profil de quelqu'un que vous pensiez pourtant compter parmi votre liste de contacts sur Facebook. Pour savoir qui vous a supprimé, il existe désormais l'application "Unfriend finder", qui connaît un énorme succès.

"Unfriend finder" a été mis au point par Edouard Gatouillat, un Nantais de 23 ans qui étudie à l'école d'informatique Supinfo."L'idée m'est venue en utilisant Facebook lorsque j'ai vu mon nombre d'amis diminuer, j'ai voulu savoir qui avait disparu. Les bagages techniques en ma possession m'ont permis de satisfaire ma curiosité", explique-t-il sur le site nantes-developpement.com.

Depuis sa création, "Unfriend finder" a déjà été téléchargée par 4 millions de personnes dans le monde, un succès auquel son créateur ne s'attendait pas. L'application compte désormais 1,5 million d'utilisateurs réguliers et a déjà été traduite en 65 langues.

Avec la publicité hébergée sur son site, Edouard Gatouillat gagne même suffisamment d'argent pour en vivre. Une véritable "succes story" pour le Nantais qui ne manque pas de se servir de cet atout lors de ses entretiens d'embauche.

Pour savoir comment télécharger l'application, rendez-vous sur le site "Unfriend finder".

mercredi 15 février 2012

Le logiciel français, cet illustre inconnu

Allumer un ordinateur est assurément un mauvais moment à passer pour les adeptes du "made in France".

Dès le démarrage, l'industrie française frappe par son absence. Le système d'exploitation est selon toute vraisemblance américain, qu'il s'agisse de Windows, qui détient 83 % des parts de marché en France, ou de MacOS, qui suit avec 11 %.

Les applications à portée de souris ne rassurent pas davantage sur la compétitivité hexagonale. Le moteur de recherche ? Américain. Les outils de bureautique ? Américains. L'antivirus ? Tchèque (les sociétés Avast et AVG détiennent conjointement 25 % du marché mondial) ou allemand (Avira en détient 12 %).

La France serait-elle incapable de produire des logiciels de classe mondiale ? Erreur. La France est, selon l'Association française des éditeurs de logiciels (Afdel), la cinquième industrie mondiale du secteur, après les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne et le Royaume-Uni.

Au total, 2 500 éditeurs emploient 70 000 personnes. Les 300 premiers éditeurs français ont encaissé 7,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2010, affichant une croissance de 14 % sur l'année, selon le Syntec numérique, le syndicat professionnel qui regroupe les entreprises du secteur. Non seulement le logiciel français existe, mais il est plutôt bien portant, et il s'exporte. Les 100 plus gros éditeurs tricolores vendent 60 % de leur production à l'international.

Pourquoi, alors, les logiciels français passent-ils en dehors du radar ? La première raison de ce manque de notoriété tient aux caractéristiques des produits.

Là où les Etats-Unis, qui comptent 74 entreprises dans le Top 100 mondial, ont développé une industrie grand public, tournée vers le consommateur final, les Français se sont d'emblée spécialisés dans les produits professionnels. Du "B2B" ("business to business", d'entreprise à entreprise) de pointe, technique, souvent sur mesure, qui reflète la culture d'ingénieurs des Français.

Ainsi, les logiciels équipant les salles de marché du monde entier ont été conçus par le français Murex. De même les logiciels de CAO (conception assistée par ordinateur) développés par Dassault Systèmes sont aussi discrets qu'omniprésents. "Qu'il s'agisse de design, de simulation ou de production, nos outils sont utilisés pour concevoir tous les avions commerciaux actuellement sur le marché, huit voitures sur dix dans le monde, ainsi que des machines à laver, les téléphones Nokia, les shampoings Procter & Gamble...", énumère Bernard Charlès, le directeur général.

(...)

http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/02/13/le-logiciel-francais-cet-illustre-inconnu_1642470_3234.html

dimanche 5 février 2012

Castillon aurait pu avoir un président américain

Qui n'est pas au courant ? Dans quelques semaines sera élu le président… des Etats-Unis. Et alors direz-vous ? Un Ariégeois a bien failli, lui aussi, atteindre ce poste suprême mais dû y renoncer pour un petit détail. Pierre Soulé était né en 1801 à Castillon, dans notre Couserans, mais avait été dans l'obligation, pour des raisons politiques, de s'exiler aux États-Unis. Après maintes péripéties qui mériteraient tout un livre, il part s'installer en Louisiane où il devint un très grand avocat, réputé pour son érudition et son éloquence. Au point que le « petit » Français, à la mort d'Alexandre Barrow, est envoyé au Congrès pour représenter cet état en 1 847. Il y devient un très grand orateur, défendant farouchement l'autonomie des états et devient même, à la mort de Calhoun en 1848, le leader du Parti démocrate. C'est donc tout naturellement que ses collègues souhaitent qu'il se présente à la magistrature suprême. Mais un petit détail va entraver cette brillante ascension : la Constitution des États-Unis précise bien que la présidence ne peut être dévolue à quelqu'un qui n'est pas né sur le territoire américain. Pour cet infime détail, Pierre Soulé, l'Ariégeois d'origine, ne put présenter sa candidature. Il se contenta donc d'être un appui décisif du général Franklin Pierce… qui lui devra en grande partie son élection… sans pour autant l'appeler à un poste ministériel.

http://www.ladepeche.fr/article/2012/02/05/1278188-castillon-aurait-pu-avoir-un-president-americain.html