Depuis des décennies, les descendants de Joseph François Mangin, né à Dompaire, se font un point d’honneur à réhabiliter le parcours de leur ancêtre dont le nom est intimement associé au plan de Manhattan, mais aussi à la construction de bâtiments incontournables de New York tels que le City Hall (N.D.L.R : l’hôtel de ville) et l’ancienne cathédrale Saint-Patrick. Un devoir de mémoire repris et entretenu aujourd’hui par l’un d’entre eux : Thibaud Leroy. Dans un livre intitulé « L’homme qui imagina Manhattan », coécrit avec le biographe Edmond Varenne et richement documenté, il livre un récit haletant sur la trajectoire de celui à qui il aura fallu près de deux siècles pour que les autorités américaines finissent par reconnaître sa contribution à l’essor de New York. À le lire, des manœuvres torves ont failli « assassiner sa mémoire ». Sans « des recherches efficaces et pertinentes de plusieurs historiens de la ville » au XXe siècle, la part prise par Mangin « dans la construction de plusieurs monuments et surtout l’influence qu’il a pu avoir sur le plan d’extension de la ville sur l’île de Manhattan », n’aurait pu être reconnue. En 2003, le maire de New York, Michael Bloomberg, finira par inaugurer une plaque devant le City Hall qui rend enfin à Joseph François Mangin sa paternité sur cet édifice.
De « bonne et noble roture »
Mangin était le fils d’un chirurgien de Dompaire, dévoré par l’obsession de se constituer un patrimoine immobilier. Un père parti trop tôt, à l’âge de 48 ans. Pour le jeune garçon de 14 ans, cette disparition n’est pas sans conséquence. Sa scolarité, il la poursuivra à Nancy. Collège, baccalauréat, il enchaîne par des études de droit avant de se lancer « sans trop de conviction dans un office d’avocat au parlement de Nancy ». Le jeune homme issu de « bonne et noble roture » comme il se plaira à se qualifier plus tard, se rapproche d’une belle et jolie fille délurée à qui il fera un enfant. Peut-être pour rompre, il s’installera à Baccarat et puis, à la suite de discussions solaires, lui vint l’appel du large. Un espoir irrépressible de partir faire fortune à Saint-Domingue où il accoste le 7 décembre 1784. Rejoint par son frère Charles Nicolas, pendant 10 ans, les Mangin multiplieront les métiers : gestionnaires de plantation, arpenteurs, soldats mais principalement bâtisseurs. Une vie faite de péripéties qui les conduira à New York. Le plus jeune finira par revenir en France, le plus vieux terminera dans le dénuement le plus total et on perdra sa trace à partir de 1818.
Aujourd’hui, grâce à Thibaud Leroy, à sa grand-mère aussi, Marie-Thérèse Laurent, qui a exhumé les correspondances des deux frères, les Mangin s’apprêtent à nouveau à être honorés. « Nous sommes en discussion avec le maire de Dompaire pour apposer sur l’actuelle poste, un magnifique bâtiment de la famille Mangin, une plaque leur rendant hommage », indique Thibaud Leroy.