(...)
Nul doute que, pour ce 65e anniversaire de l’opération Overlord, Barack Obama, maître dans l’art du discours et féru d’histoire, voudra marquer de son empreinte sa visite au cimetière de Colleville-sur-Mer où reposent les boys tombés sur les sables en juin 1944. Paradoxalement, c’est Barack Obama qui recevra Nicolas Sarkozy dans le Cotentin et pas le contraire. En effet, le lieu de la commémoration, les 9 386 tombes sur un terrain en surplomb de la plage d’Omaha Beach, occupe une concession que la France a offerte aux Etats-Unis. Cette visite du président français en « territoire américain » dans le département de la Manche résume les agacements diplomatiques qui ont précédé le voyage du chef d’Etat en France. Souvenons nous que l’Elysée souhaitait que les deux hommes se rencontrent en Normandie dès le mois d’avril, lors du premier voyage officiel de Barack Obama en Europe, entre le sommet du G20 à Londres et celui de l’Otan à Strasbourg. Refus de la Maison-Blanche. Dans les semaines qui ont suivi, Paris n’a cessé d’annoncer la venue du successeur de George W.Bush à la commémoration du Débarquement. Silence prolongé de la Maison-Blanche.
La Maison-Blanche met plutôt l’accent sur le discours du Caire
Quand, il y a moins d’un mois, Washington a fini par confirmer sa présence le 6 juin, l’annonce a été mêlée au reste du programme du voyage. Et les médias américains se sont beaucoup plus appesantis sur l’étape en Egypte que sur celle de Normandie. Comme on l’a vu, l’avant-veille de son arrivée en France, Barack Obama a prononcé au Caire un discours très attendu à l’adresse du monde musulman, une des priorités de sa politique étrangère au moment où il tente de relancer un processus de paix au Proche-Orient et de tendre la main à l’Iran. Puis il s’est rendu en Allemagne, à Dresde et dans l’ancien camp de concentration de Buchenwald. Aurait-il voulu minimiser la portée de la rencontre normande qu’il ne s’y serait pas pris autrement. En outre, lundi 1er juin, le porte-parole de la Maison- Blanche, Robert Gibbs, a malicieusement exprimé le souhait de voir la reine d’Angleterre invitée aux commémorations, relançant ainsi la polémique lancée par le quotidien londonien Daily Mail, réputé proche du palais royal. Une requête fort embarrassante pour le protocole français.
Ces petites tensions avec Paris s’ajoutent à celles qui émaillent les quatre premiers mois de la présidence Obama. Elles ont commencé avant même l’installation de Barack Obama à la Maison-Blanche. A quarante-huit heures de son investiture, le 18 janvier, lors d’une réunion sur la guerre de Gaza à Charm el- Cheikh, Nicolas Sarkozy, tout auréolé de ses succès à la tête de l’Union européenne suggère la tenue d’une conférence de paix au Proche-Orient avant la fin juin. Mais le nouveau locataire de la Maison-Blanche ne l’entend pas de cette oreille. Il a son propre agenda, déploie sa propre équipe dans la région et ignore la proposition française. Les sommets d’avril n’ont pas non plus laissé l’impression d’une harmonie parfaite. Tantôt, c’est Nicolas Sarkozy qui a arraché à son homologue américain des engagements sur la régulation financière ou les paradis fiscaux. Tantôt, c’est Barack Obama qui s’est vu opposer une fin de non recevoir quand il a demandé des renforts français en Afghanistan. Sans oublier les deux discours consécutifs de Prague et d’Ankara, qui ont beaucoup énervé Paris. Dans le premier, le président américain a parlé de désarmement nucléaire total, englobant ipso facto la force de frappe française. Dans le second, il a demandé à l’Union européenne d’admettre la Turquie en son sein, une prière sèchement rejetée par Nicolas Sarkozy.
Obama renforce les liens des Etats-Unis avec l’Afrique et l’Asie
En outre, à la mi-avril, devant une poignée de parlementaires conviés à l’Elysée, le président français s’est laissé aller à décrire Barack Obama avec condescendance – « Il est élu depuis deux mois et n’a jamais géré un ministère de sa vie » – et ses propos n’ont pas dû ravir la Maison-Blanche quand l’ambassade des Etats-Unis les a transmis à Washington…
Plus généralement, alors que George W.Bush représentait encore une génération d’Américains attachés à l’Europe, Barack Obama, lui, appartient à celle de la mondialisation pour laquelle la Chine et les puissances émergentes (Inde, Brésil, Turquie...) sont aussi importantes que le Vieux Continent. Entre un père kenyan, et une enfance en Indonésie puis à Honolulu, sa biographie personnelle le pousse aussi à orienter différemment les relations internationales des Etats-Unis, notamment à renforcer les liens avec l’Afrique et l’Asie.
Entre George W. Bush et Barack Obama, Nicolas Sarkozy doit parfois se demander s’il a gagné au change. Lui qui se veut le chef de l’Etat qui réconciliera les Français avec les Etats-Unis a troqué un président américain au sommet de l’impopularité, détesté en France, mais soucieux d’enterrer la hache de guerre, contre un président star admiré tout autour de la planète, mais pas pressé de nouer des relations personnelles avec lui ni de faire des numéros de charme à la France.
http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2009/06/06/01006-20090606ARTFIG00094--une-amitie-t-oute-epreuve-.php
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire