Rue89
Par Eva Roelens | productrice
Mardi dernier 2 août, mon mari, ma fille de 21 ans et moi sommes partis en vacances aux Etats-Unis avec cinq amis, pour un voyage que nous préparions depuis un an (non seulement le voyage en lui-même mais également les papiers, nouveaux passeports biométriques, ESTA [le système électronique de visa américain, ndlr] payé et accordé… le tout bien en règle).
Arrivés à Miami en escale, après avoir passé normalement le contrôle des passeports (tampon « admitted » faisant foi), nous avions déjà récupéré les valises pour prendre la correspondance pour San Francisco, quand nous avons été appelés par haut-parleurs. Deux agents du Service de l'immigration nous ont expliqué alors qu'il y avait un contrôle d'identité de routine à faire.
Après avoir essayé de le résoudre par téléphone pendant que nous étions déjà en train d'attendre tous ensemble la correspondance, les agents nous ont finalement demandé de les suivre. Et nous nous sommes retrouvés dans les locaux de l'immigration avec une centaine d'autres personnes.
Nous avons atterri à Miami vers 14h00, nous devions prendre le vol pour San Francisco à 16h10. En fait, nous avons passé tout l'après-midi du mardi 2, toute la nuit - sans dormir ou à peine, avec un lit pliant pour trois - et toute la journée du lendemain dans les locaux de l'immigration avant d'être conduits par des policiers au pied d'un avion pour prendre un vol de retour à Paris le mercredi 3 à 18h00.
Tout cela sans aucune explication au-delà de « vous n'êtes pas éligibles pour le programme ESTA, nous ne pouvons pas vous en dire plus », l'ESTA étant l'autorisation d'entrée qui remplace le visa.
Nous n'avons pas été maltraités, même si l'attitude de certains policiers était bien plus sèche, voire autoritaire, que d'autres, et que des allusions à des menottes et une menace d'isolement nous ont été faites à deux occasions au nom de leur protocole. Je n'ose même pas dire que nous avons été interrogés tellement les questions qui nous ont été posées, séparément d'ailleurs, étaient anodines.
Nous avons eu droit à des prises d'empreintes des dix doigts, à l'encre et de manière électronique, ainsi qu'à des photos.
A plusieurs reprises, des chefs et des policiers nous ont assuré qu'ils regrettaient mais qu'ils ne pouvaient pas nous dire quoi que ce soit, et ce manque d'explications à propos de ce qui nous arrivait a même surpris la police de l'air et des frontières française, qui nous attendait à Roissy et qui nous a tout de suite rendu nos téléphones portables ainsi que nos passeports, désormais marqués de codes écrits à la main.
A leur grande surprise, les policiers français n'ont trouvé dans les enveloppes aucune note de la part de leurs collègues de Miami.
Au ministère des Affaires Etrangères, « ce n'est pas leur problème »
Pendant notre enfermement à l'aéroport, mon mari (espagnol, journaliste à l'AFP) a quand même réussi à contacter l'AFP qui a informé tout de suite le ministère des Affaires Etrangères espagnol. Le consulat d'Espagne à Miami a pu contacter les services de l'immigration où ils ont eu la même réponse : « pas éligibles pour l'ESTA pour des raisons que nous ne pouvons pas vous dévoiler ».
Arrivée à Paris, entre larmes, humiliation, sentiments d'injustice et de colère, j'ai appelé le ministère des Affaires Etrangères pour tenter de parler à quelqu'un qui pourrait m'aiguiller sur une quelconque explication, je me suis entendue répondre que ce n'était pas leur problème et me suis vue raccrocher au nez.
Nous avons maintenant des passeports biométriques tout neufs, faits pour l'occasion, mais marqués avec des codes dont nous ignorons la signification et la portée. Drôle de situation qui a des conséquences immédiates bien réelles. Notre fille doit aller travailler en octobre dans un festival de cinéma à Morelia, au Mexique. Elle s'était trouvée un billet pas cher avec escale… à Miami.
Bien entendu, nous allons annuler ce billet et lui en acheter un autre, malgré les frais que cela entraîne. Nous ne pouvons même pas imaginer la laisser faire escale seule aux Etats-Unis.
Si je me permets de vous informer, encore sous le choc de ces vacances de rêve brisées, c'est parce que nous nous sentons démunis, nous ne savons vraiment pas vers qui nous tourner. Nous avons été humiliés, traités comme des délinquants. Nous trouvons insupportable de ne pas avoir droit à la moindre explication. Et ce n'est pas faute de l'avoir demandée tout au long de cet épisode kafkaïen.
Je n'ai pas envie de laisser passer cette histoire. Au nom de quelle impunité avons-nous été traités de la sorte ?
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