dimanche 10 février 2008

Des renforts français en Afghanistan: pour quoi faire?

Faut-il envoyer des troupes supplémentaires en Afghanistan? Nicolas Sarkozy, désireux d'apparaître comme un bon élève de l'Otan, s'apprête à répondre positivement à l'appel pressant, à la limite de l'injonction, des Etats-Unis. Curieusement, cette question ne fait l'objet d'aucun débat public alors que l'envoi de troupes supplémentaires parait acquis, et, comme d'habitude, le parlement est le dernier endroit où se discute la politique étrangère et de défense de la France.

La question est devenue un sérieux sujet de contentieux entre les Etats-Unis et leurs alliés européens et canadiens au sein de l'Otan. Les Américains font le forcing pour pousser leurs alliés à accroître leurs engagements en Afghanistan face à la déterioration de la situation et au risque de retour des talibans. Le Secrétaire américain à la défense, Robert Gates, a récemment exprimé, devant le Congrès, sa crainte de voir l'Otan devenir "une alliance à deux vitesss, avec d'un côté des pays qui sont prêts à se battre et à mourir pour protéger la sécurité des citoyens, et d'autres qui ne le sont pas". Et la question a dominé la réunion ministérielle de l'Alliance atlantique qui vient de se terminer à Vilnius.

Les Canadiens en première ligne dans le sud

La Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan compte actuellement 55000 hommes, les Etats-Unis fournissant une bonne moitié des effectifs. Mais tous ne prennent pas les mêmes risques: dans le sud, où se déroulent les principaux combats avec les talibans réorganisés, ce sont les Britanniques, Canadiens, Australiens et Néerlandais qui sont en première ligne. Washington va prochainement envoyer 3200 soldats supplémentaires dans le pays, dont 2200 marines dans le sud.

Les Etats-Unis multiplient les pressions sur leurs alliés. Souvent maladroitement: lorsque Robert Gates a critiqué, dans le Los Angeles Times, l'amateurisme des troupes engagées dans les opérations militaires dans le sud, il s'est attiré une réponse brutale du Canada qui a perdu 77 soldats au combat, principalement dans la région de Kandahar, la plus "chaude". Gates a aussitôt présenté ses excuses... Samedi, le Canada a menacé de retirer ses troupes du sud en l'absence de renforts d'autres pays.

De même, en faisant pression sur l'Allemagne pour qu'elle accepte de déplacer une partie de ses 3200 hommes du nord au sud, et d'en accroître les effectifs, les dirigeants américains n'ont fait qu'attiser le sentiment antiaméricain en Allemagne; Et suscité la prudence d'Angela Merkel, soumise à la surenchère pacifiste de la gauche avec laquelle elle participe à la coalition gouvernementale. Résultat: un refus catégorique de Berlin d'envoyer des troupes au sud.

La volte-face de Nicolas Sarkozy

Reste la France. On se souviendra que Nicolas Sarkozy, pendant la campagne électorale, avait déclaré que la présence de troupes françaises "dans cette partie du monde" n'était pas "décisive". C'était, il est vrai, alors que des humanitaires français étaient les otages des talibans. Mais neuf mois plus tard, le président de la République a totalement changé d'avis, et pourrait annoncer au prochain sommet de l'Otan en avril l'envoi de plusieurs centaines d'hommmes supplémentaires rejoindre les Canadiens dans le sud. La France a déjà stationné à Kandahar des avions de combat Mirage qui étaient autrefois basés au Tadjikistan et envoyé des formateurs supplémentaires après de l'armée afghane.

Le calcul de Nicolas Sarkozy est certes lié à la déterioration de la situation en Afghanistan, mais s'inscrit aussi dans sa stratégie visant à réintégrer le commandement militaire de l'Otan et prendre la tête de son "pilier européen". Il entend donc apparaître comme le chef déterminé d'une France qui n'hésite pas à engager son armée au côté de ses frères d'armes de l'Alliance sur des terrains éloignés. Une France qui ferait ainsi exception dans une Europe de plus en plus frileuse.

On imaginerait qu'il y a là matière à un grand débat national, en premier lieu au Parlement. Mais c'est dans la plus grande discrétion que s'effectue cette évolution. Nicolas Sarkozy redoute à juste titre que l'opinion interprète un renforcement de la présence française en Afghanistan comme un alignement sur l'administration Bush, une accusation qui lui colle à la peau depuis son élection, et qu'il n'a guère envie d'alimenter en ces temps de vaches maigres dans les sondages.

L'Afghanistan victime collatérale de l'Irak

Le Secrétaire américain à la défense a d'ailleurs publiquement évoqué cette difficulté cette semaine, en rappelant les différences entre les guerres d'Irak et d'Afghanistan, et que les critiques vis à vis de l'engagement américain en Irak ne devaient pas peser sur l'opération afghane. L'intervention en Afghanistan a été approuvée par le Conseil de sécurité de l'ONU alors que celle d'Irak est unilatérale, et certains pays comme la France et l'Allemagne, ont soutenu la première et se sont opposés à la seconde. Les Américains agitent également le spectre d'un renforcement d'Al Qaeda en cas d'échec en Afghanistan, avec des conséquences négatives pour l'Europe aussi.

Reste l'autre question qui devrait faire l'objet d'un débat: comment se fait-il que sept ans après la chute du régime discrédité des talibans, avec des dizaines de milliers de soldats de l'Otan sur place, des élections démocratiques et des milliards de dollars d'aide, les talibans soient en train de regagner du terrain en Afghanistan? Et à cette question, la réponse ne doit-elle être que l'envoi de troupes supplémentaires? Avant d'envoyer en douce quelques centaines de soldats supplémentaires, le président de la République -et chef des armées- devrait répondre à ces questions.

http://www.rue89.com/2008/02/09/des-renforts-francais-en-afghanistan-pour-quoi-faire

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Cependant, l’engagement éventuel de la France dans le sud de l’Afghanistan n’est pas exempt de difficultés. "L’Afghanistan est un pays montagneux", observe Pierre Hillard. "C’est un terrain propice à des groupes afghans de se cacher et de mener une guérilla. Les troupes occidentales ne sont pas faites pour ce combat. On est dans une situation d’échec. L’armée rouge s’était cassée les dents en 1979 face à des hommes valeureux, des ascètes capables de supporter le froid, la faim, la soif. Le soldat occidental n’a pas les méthodes pour combattre les Taliban."

France24

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