Des dizaines d’envoyés spéciaux se sont précipités aux USA pour couvrir l’élection présidentielle… dans l’indifférence totale. Impossible d’approcher les candidats !
A événement mondial, couverture médiatique mondiale… Toutes les chaînes françaises ont mis en place un dispositif spécial pour suivre les derniers jours de la campagne présidentielle américaine. Pour France Télévisions par exemple, les quatre éditions du journal de 20H de France 2 du 2 au 5 novembre sont et seront présentées en direct des États-Unis par messieurs Delahousse et Pujadas. France 2 se met aux couleurs de l’Amérique. Même Télématin s’y collera… C’est dire. Son de cloche analogue pour les autres chaînes qui multiplieront émissions spéciales, duplex et autres interviews exclusives. Sauf que les journalistes non-américains en général et français en particulier ont eu le plus grand mal à suivre la campagne américaine. Et cela pour une raison qui a frappé le bon sens des campagnes démocrate (surtout) et républicaine (un peu) : ils informent des gens qui ne votent pas aux États-Unis. Il ne s’agit donc de pas de perdre du temps avec eux.
Philippe Boulet-Gercourt, correspondant du Nouvel Observateur, qui couvre sa quatrième élection américaine raconte : « A l’automne 2007, alors que Barack Obama est à 30 points derrière Clinton, j’ai eu l’idée de faire une bio d’Obama. Pendant deux mois, j’ai tenté d’approcher son équipe pour avoir le feu vert avant d’aller rencontrer ses proches. Après un long silence, j’ai reçu une réponse négative. L’indifférence à l’égard des journalistes étrangers est absolue. Il y a clairement des consignes au niveau national qui rendent les conditions de travail très difficiles. C’était déjà le cas lors de la réélection de Clinton, mais pour cette campagne, le nombre de journalistes étrangers venus couvrir la campagne a considérablement augmenté, rendant probablement difficile le travail des communicants des candidats. Heureusement que sur le terrain, les gens avaient tous très envie de parler. »
« Le pire c’est les conventions »
Dans l’univers merveilleux des meetings, des shows toujours très mis en scène, les surprises sont parfois de mise. Corinne Lesnes, correspondante du Monde aux États-Unis raconte à Bakchich l’indifférence dont la presse étrangère est victime. « Lors de la primaire en Caroline du Sud, j’ai essayé d’approcher David Axelrod, l’un des principaux conseillers d’Obama. Il a tout bonnement refusé de me parler. 20 minutes plus tard, je le retrouvais en train de critiquer Bill Clinton devant quelques blogueurs américains locaux ! C’est dire l’intérêt qu’il porte aux médias étrangers… Malheureusement, il y a une vraie mentalité insulaire ici. Mais je ne me fais pas de soucis, ils sauront nous trouver quand ils auront besoin de nous ».
Il y a peu, la journaliste du Monde racontait sur son blog comment la presse était obligé de cracher au bassinet pour avoir le plaisir d’écouter Barack Obama à Chicago. « Pour la soirée électorale de Barack à Chicago, la presse a le choix entre des “packages”.
Vous préférez le package super-luxe pour les télés (1870 dollars) ou la formule presse écrite à 935 dollars (prise électrique + chaise au chaud + sandwich).
Il y a bien une possibilité d’avoir une accréditation gratuite. Mais la vue est limitée, il fait froid et on reste debout. »
« Le pire, c’est les conventions », soupire Philippe Boulet-Gercourt. Ainsi, lors de la convention démocrate à Denver, où près de 15000 journalistes étaient rassemblés, alors que les délégués, regroupés par État étaient rassemblés au cœur du stade, les journalistes américains placés plus hauts dans les gradins, les derniers étages étaient gentiment réservés aux journalistes étrangers. Avec l’interdiction formelle pour la presse de quitter leur place.
Canal + de galères
Et parfois, les mésaventures sont telles qu’elles peuvent alimenter un documentaire complet. C’est le cas par exemple pour Laurence Haïm, correspondante aux États-Unis pour i-Télé et Canal +. Les nombreuses difficultés qu’elle a rencontrées ont donné lieu à un documentaire de 55 minutes, « No Access », qui doit être diffusé sur Canal + le lundi 3 novembre. Si elle est la seule journaliste française à avoir obtenu une interview exclusive de 7 minutes de Barack Obama, les rapports avec les divers staffs de campagne se sont révélés plutôt compliqués.
Contactée par Bakchich, la journaliste Laurence Haïm raconte que les galères ne se sont pas arrêtées avec le documentaire. « Le soir du 4 novembre, par exemple, sera un cauchemar absolu pour les télés étrangères. Aucune d’entre elle n’a eu l’autorisation de s’installer à côté de la scène où se situera Obama. 48 positions ont été réservées uniquement pour les télés américaines. Les conseillers de la campagne démocrate estiment que le reste du monde lui est acquis. Et que cela ne sert à rien de perdre du temps à délivrer un message qu’ils pensent, peut-être à juste titre, déjà reçu. Cela fait un mois par exemple qu’Obama n’a pas fait de conférence de presse… »
Il y a quelques temps, dans le Washington Post, un correspondant allemand s’étonnait que pour quelqu’un qui souhaite que les États-Unis renouent avec le reste du monde, il est étrange qu’Obama n’ait jamais accepté de donner une interview à la presse étrangère. « Il y a une vraie discrimination par la nationalité. Les journalistes doivent s’interroger sur leur métier pour savoir à quel point nous pouvons accepter, ou pas, de participer à des opérations marketing. », ajoute quant à elle Laurence Haïm.
Canal + d’ailleurs n’est pas au bout de ses peines. Si l’équipe du Grand Journal, l’émission phare de la chaîne, a décidé un peu dans la précipitation de se déplacer à grand frais à New York pour l’élection, elle a le plus grand mal à trouver des invités sur place, probablement tous réquisitionnés par les télés américaines. La chaîne cryptée a été, par exemple, obligée de faire venir de France des VIP pour l’occasion, comme par exemple Dominique de Villepin. L’Amérique, l’Amérique, je veux l’avoir, et je l’aurai !
http://www.bakchich.info/article5667.html
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