vendredi 24 avril 2009

USA-Europe: Bienvenue à la World Company !



Marianne

A quelques semaines des européennes, Jean-Luc Mélenchon a trouvé son thème de campagne : Bruxelles serait le cheval de Troie de Washington à travers un projet de Grand Marché Transatlantique unifié à horizon 2015. Pur fantasme? Pas si simple.


Certes, l’information fait surface opportunément à quelques semaines des européennes par la grâce d’un Jean-Luc Mélenchon, tête de liste du Front de gauche, mais jusqu’ici difficile de dire qu’elle avait suscité la curiosité des rédactions.

Invité à s’exprimer sur RMC face à Jean-Jacques Bourdin le 21 avril dernier, Mélenchon a déclaré qu’il y a « quelques mois le parlement européen avait voté, socialistes inclus, la décision que oui, en effet, on ferait un grand marché transatlantique dérégulé sans droits de douane et sans barrières à la circulation des capitaux et des marchandises. Vous le saviez ? »
Bourdin avoue son ignorance. Nulle volonté de lui jeter la pierre, nous étions jusqu’ici tout aussi ignorants que lui de ce projet de Grand Marché Transatlantique, sorte de World Company en pleine efflorescence.


L’affaire remonte en fait à avril 2007 (déjà) avec la création du Conseil économique Transatlantique, un organisme créé entre les Etats-Unis et l’Union Européenne pour « coordonner l'harmonisation des réglementations et normes, et permettre l'intégration économique transatlantique ». L’accord a été signé à la Maison Blanche par le président américain George W. Bush, le Président du Conseil de l'UE Angela Merkel et le président de la Commission européenne José Manuel Barroso.

Depuis, la coopération Transatlantique a fait du chemin. Lors des sommets UE-USA, sous couvert d’échanges fructueux sur le changement climatique, la sécurité énergétique, la promotion de la paix, on apprend que des discussions étaient réservées afin d’évaluer l’état d’avancement des travaux du CET, notamment sur « des solutions performantes en matière de lutte contre le protectionnisme ». Entre autres exemples.

Le 26 mars dernier, à l’occasion du vote du rapport sur « L’état des relations transatlantiques suite aux élections aux Etats-Unis », le parlement répétait son exigence de mise en place d’une zone de libre-échange transatlantique unifiée à horizon 2015. Certains députés européens espéraient même 2010… Le rapport a été adopté par 503 voix contre 51, donc avec l’assentiment, comme le souligne Mélenchon, du Parti socialiste européen (PSE).


Dans un grand « mouvement des alignés », le parlement fait aussi allégeance à l'OTAN en tant que « pierre angulaire de la sécurité transatlantique ». Autant de nouvelles preuves d’une incapacité structurelle de l’Europe à exister en tant qu’espace politique.

Réduite à la fonction de laborieuse machinerie d’harmonisation réglementaire, l’Europe a renoncé à toute ambition politique : des institutions dignes de ce nom, un impératif militaire, pourquoi pas définir un jour des frontières définitives ? Bref, tout ce qui fonde une identité. Le chemin sera long.
D’autant plus, si à peine échafaudé, le pas très mobilisateur projet européen se désagrège déjà dans une zone de libre-échange qui le dépasse et n’a pour autre horizon qu’un jumelage avec l’Oncle Sam.

Il lui restera alors toujours la possibilité comme, disait le philosophe Marcel Gauchet, « de se contenter du rôle de continent des retraités de l’histoire, confits en remords vains et en moralisme sénile ».

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