LE MONDE | 07.03.08 | 13h30
La décision du Pentagone d'acheter ses avions ravitailleurs auprès du tandem EADS-Northrop Grumman et non auprès de Boeing, le "fournisseur maison" traditionnel, suscite un nouvel élan de patriotisme économique aux Etats-Unis. Menaces pour la sécurité nationale en raison de la fabrication de certaines pièces à l'étranger, danger pour l'emploi aux Etats-Unis, contestation de l'appel d'offres qui aurait été modifié sans que Boeing le sache... Les opposants au choix du ministère de la défense multiplient les angles d'attaque.
Dans un pays où les avocats sont rois, nul n'imaginait que le choix du Pentagone resterait sans réactions. Celles-ci étaient d'autant plus attendues que ce succès d'EADS est en partie dû à John McCain. Durant des années, ce sénateur, qui n'était pas encore candidat républicain à la Maison Blanche, a dénoncé les liens entre le Pentagone et Boeing obligeant l'armée à revoir de fond en comble ses appels d'offres. En pleine campagne électorale, les démocrates mais aussi les républicains, qui abritent des usines de Boeing dans leurs circonscriptions, ne pouvaient rester sans réagir.
Il est vrai qu'au moment où les Etats-Unis attaquent Airbus devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en raison des subventions publiques que recevrait EADS, le choix du Pentagone tombe on ne peut plus mal. Ce n'est pas parce que l'offre d'EADS est moins chère que l'européen et son partenaire Northrop Grumman l'ont emporté, mais parce que, techniquement, leur offre est la meilleure. Sur les cinq critères jugés décisifs par les militaires, l'avion européen en remporte quatre et se trouve à égalité avec Boeing sur le dernier. Mais que le Congrès parvienne à retourner la situation en faveur de Boeing et toute l'argumentation américaine à l'OMC tombera à l'eau.
On n'en est pas là. Après le choix de la marine américaine de retenir le français Sodexho pour nourrir ses hommes et celui de l'armée de terre d'acheter 322 hélicoptères à Eurocopter - une autre filiale d'EADS -, la décision du Pentagone en faveur de l'avion ravitailleur européen confirme qu'une page est bel et bien en train de se tourner. Un Etat ne peut plus, au nom du patriotisme économique, privilégier un industriel national si son offre n'est pas compétitive.
Quant aux industriels, ils ne peuvent plus rester isolés. Sans son accord avec Northrop Grumman, EADS n'avait aucune chance de l'emporter. L'européen a eu l'habileté d'apporter d'importantes garanties, notamment en terme d'emplois, au point d'inquiéter les syndicats européens. Au lieu de défendre à tout prix Boeing, les parlementaires américains feraient mieux de s'interroger sur les partenariats industriels qu'il leur faudra nouer, demain, dans ces secteurs stratégiques.
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