C'est un chercheur français de renom, Jean-Marie Hullot, ami de Steve Jobs, qui est le véritable inspirateur du dernier produit vedette d'Apple. Retour sur un parcours étonnant et encore méconnu.
Pendant cinq ans, cette cellule secrète n'a eu officiellement aucune existence. Basés à Paris, quatre ingénieurs placés sous la houlette d'un chercheur français ont travaillé pour Apple au développement de services de téléphonie mobile, entre 2001 et 2006.
A l'origine de cette initiative, un homme modeste et discret, Jean-Marie Hullot. Rien à voir avec le protecteur de l'environnement et animateur télé d'Ushuaïa Nature ! Cet ancien chercheur de l'Institut national de recherche en informatique et automatique (Inria) est une référence dans le domaine des interfaces graphiques - ces "fenêtres" et "boutons" qui apparaissent sur les écrans des ordinateurs.
Cheveux grisonnants, silhouette élancée, visage émacié et sourcils épais, c'est lui, ce célèbre inconnu, qui a soufflé à Steve Jobs, le PDG d'Apple, l'idée de se lancer, dès 2001, dans la téléphonie mobile. L'iPhone était encore dans les limbes.
A l'époque, pourtant, tout aurait pu capoter. "Steve avait repoussé ma proposition", raconte Hullot. L'Américain lui demande tout de même de le rejoindre pour en discuter... Et le bombarde directeur technique des applications et vice-président de la branche mobiles du groupe californien. En l'espace de quelques mois, Hullot recrute son équipe autour de Bertrand Guiheneuf, qui travaillait sur une version de Linux pour téléphone mobile. Sa cellule en réfère directement à Steve Jobs, au siège, à Cupertino.
Les deux hommes se connaissent et s'apprécient. Leurs chemins se sont croisés voilà quatorze ans dans la Silicon Valley. Steve Jobs vient alors d'être mis à la porte de sa propre société, après avoir lancé le premier ordinateur Macintosh. A 30 ans, il se retrouve, selon ses propres termes, "sur le pavé, viré avec perte et fracas". Soucieux de rebondir, et dans l'espoir de reconquérir sa société, il fonde NeXT pour créer un ordinateur grand public. On connaît la suite... De son côté, Jean-Marie Hullot, le programmeur, a créé en France SOS Interface, un système pour Macintosh, justement, qui permet de développer aisément des éléments graphiques.
Au milieu des années 1980, de passage à la grand-messe annuelle d'Apple, à San Francisco, afin d'y présenter son produit, il est aussitôt repéré et invité au siège de NeXT pour faire une démonstration devant le boss. "Une fois la présentation terminée, je suis reparti vers le parking. Quelqu'un est venu me chercher en courant et m'a dit : "Toi, tu reviens !" Steve m'attendait et m'a demandé de venir travailler avec lui." Hullot va rester dix ans à NeXT, et logera même un temps chez le PDG. Très vite, il fait embaucher un autre Français, Bertrand Serlet, qui sera à l'origine du renouveau des Macintosh, grâce à Mac OS X (le concurrent de Windows, de Microsoft).
Malgré ces recrues de choix, Steve Jobs délaisse peu à peu NeXT. Il n'a d'yeux que pour le studio d'animation qu'il a racheté. Pixar, c'est son nom, rencontre, en 1995, un succès phénoménal avec Toy Story. Jean-Marie Hullot décide alors de quitter la société. De retour en France, il cofonde une start-up, RealNames, mais garde le contact avec Jobs. Il faudra encore attendre quatre ans pour que les deux compères travaillent à nouveau ensemble, après une rencontre à Paris, en 2001. C'est à ce moment-là que le chercheur lui "vend" son projet de téléphone mobile. "Jean-Marie a un talent rare. Il sait prendre des choses confuses et les rendre claires. Très vite, il a compris que le téléphone serait l'avenir de l'informatique. Je le vois encore tester des dizaines d'appareils provenant d'Asie, sans en trouver un seul qui lui convienne", explique son ami Louis Monier, fondateur du moteur de recherche AltaVista.
Il aurait pu travailler chez... Google
Hullot va devoir faire preuve de conviction et de ténacité. A l'époque, l'usage du mobile aux Etats-Unis reste confidentiel. "Toute une éducation était à faire chez Apple", confie-t-il. Mais, à 46 ans, l'ingénieur souhaite rester en France, où travaille sa femme, Françoise, et où étudient ses deux enfants, Valériane et Jonathan. Qu'à cela ne tienne ! Steve Jobs lui propose d'ouvrir un groupe de recherche à Paris, totalement isolé du reste des activités du groupe. "Lors des fêtes de fin d'année, à Apple France, on voyait débarquer des membres de l'équipe de Hullot sans savoir qui ils étaient", se souvient un ancien salarié.
La cellule "fantôme" a pour vocation de préparer Apple au monde du mobile. Mais, pour l'heure, les ingénieurs travaillent à la mise au point d'outils de synchronisation entre différents appareils pour les carnets d'adresses et le calendrier (iCal). L'équipe grossit rapidement, passant de cinq à plus d'une vingtaine de personnes, et change de locaux à maintes reprises : de l'avenue George-V à la Madeleine.
En 2005, la direction d'Apple prend, enfin, la décision de créer un téléphone. La cellule parisienne n'a plus lieu d'être, et Jobs demande à Hullot de revenir à Cupertino, où tous les développements stratégiques seront centralisés dans le plus grand secret. "Malgré la grande confiance de l'Américain pour Jean-Marie, on ne change pas la nature profonde des gens ni le désir forcené de contrôle d'Apple", tente d'expliquer Laurent Kott, directeur général d'Inria-Transfert. Le Français déclinera la proposition. Ainsi, ironie de l'histoire, celui qui a réussi à convaincre Apple de se lancer dans la téléphonie mobile ne participera pas aux grands développements de l'iPhone.
Le plus drôle, c'est qu'il aurait pu travailler chez... Google, en passe, aujourd'hui, de devenir un concurrent d'Apple dans les mobiles. Car la firme de Mountain View l'a approché pour ouvrir un laboratoire de recherche en France. Une rencontre a même été organisée avec Larry Page, cofondateur du moteur de recherche. Sans résultat. "Pourtant, tout était réglé. Mais lorsque Jean-Marie a voulu venir avec ses ingénieurs, Steve Jobs a mis son veto", relate Mats Carduner, ancien directeur général de Google Europe du Sud. Un pacte de non-agression lie les deux sociétés, qui, à l'époque, ont encore des rapports privilégiés.
Exit, donc, Google ! Hullot est à l'abri du besoin et n'a plus rien à prouver. Pourtant, sollicité par ses compagnons d'infortune, il accepte de se lancer dans une autre aventure. Il s'agit cette fois de créer une encyclopédie en ligne de la photo. Fotopedia voit le jour, en 2008, et lève 2,3 millions de dollars, puis encore 1,1 million à la fin de 2009. Contrairement à ses rivaux, Fotopedia intègre plus de 355 000 photos de qualité géolocalisées sur lesquelles les internautes sont appelés à voter. Ces "images pour l'humanité" doivent permettre d'illustrer avec la meilleure photo possible les articles de l'encyclopédie libre et gratuite Wikipedia. Fan de trekking, Jean-Marie croit dur comme fer à ce site communautaire qui le réconcilie avec sa passion des voyages et des photos. L'ingénieur, qui continue d'avoir des contacts épisodiques avec Steve Jobs, se dit comblé. Il diffuse sur le site près de 6 000 clichés personnels pris au Vietnam, au Laos, au Népal et, surtout, au Bhoutan. Un moyen de prolonger les vacances de M. Hullot !
http://www.lexpress.fr/actualite/high-tech/ce-francais-qui-a-inspire-l-iphone_841728.html
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