vendredi 14 mai 2010

Patrick Wachsberger au sommet de Hollywood

Distributeur et producteur, Patrick Wachsberger est le premier Français à connaître une vraie réussite à Hollywood. Sa société, Summit Entertainment, créée en 1993 – pour laquelle il a réuni, en avril 2007, plus de 1 milliard de dollars –, a récemment distribué « Démineurs », Oscar du meilleur film de l’année, et « The Ghost Writer » de Roman Polanski. Il présentera en compétition à Cannes le 20 mai « Fair Game », avec Sean Penn et Naomi Watts. Il a produit et distribué les trois « Twilight » : le premier, avec un budget de 50 millions de dollars, en a rapporté 400. Les 69 millions de dollars engagés dans le deuxième, « New Moon », en ont généré 715. Enfin, le troisième volet, « Eclipse », qui sortira en France le 7 juillet, a coûté 100 millions de dollars.

Votre succès est phénoménal. Le fait d’être un Français à Hollywood est-il un plus ou est-ce simplement que vous avez la main verte ?

Patrick Wachsberger. Je voyage beaucoup, ce qui me donne un regard différent et une vision peut-être plus globale que la plupart des dirigeants des studios. Cela dit, même après plus de trente ans passés ici, j’ai toujours du mal à comprendre les nuances de la comédie américaine. A Hollywood, il n’y a que ce que vous faites qui compte. Simplement, il ne faut pas faire d’erreurs. Je ne travaille pas pour l’argent. Ma grande force, c’est d’avoir monté une équipe exceptionnelle, aussi passionnée que moi.

Les critiques aux Etats-Unis ont-elles un impact aussi important sur les films qu’en France ?

Pour un film comme “Twilight”, ça ne joue pas. En revanche, cela compte beaucoup plus pour un public plus âgé, qui lit. Pour des villes comme New York et Los Angeles, le plus important, ce sont les passages à la télévision avec de bonnes critiques. Pour sortir “The Ghost Writer”, on a effectué une enquête assez rapide pour savoir quelle était la popularité ou l’impopularité de Polanski aux Etats-Unis. On s’est rendu compte que, sur les gens qui vont au cinéma, seulement 10 % connaissent Polanski le cinéaste. Mais tous avaient entendu parler de “l’affaire Polanski”.

Le très attendu “Fair Game” sera en compétition à Cannes le 20 mai. C’est vous qui le distribuez...

J’avais produit “M. & Mrs. Smith” du même metteur en scène et nous nous étions très bien entendus. La distribution, en fin de course, n’est souvent qu’une question de relation et de passion.

Parlez-nous de “Twilight”.

J’avais depuis longtemps envie de produire une sorte de Roméo et Juliette. Les droits du livre expiraient huit mois plus tard. Je l’ai lu, j’ai eu le coup de foudre...

Comment se sont passées les négociations avec l’auteur ?

Au départ, très mal. Stephenie Meyer était méfiante. Elle savait que la Paramount avait posé une option sur les droits de son livre pour un projet qui n’avait absolument rien à voir avec son travail. Pour la mettre en confiance, on a dû mettre sur papier une bible de huit pages de ce qu’on pouvait faire ou pas. Un vrai cauchemar. Elle ne voulait pas, entre autres, que les vampires aient de longues incisives. Quand j’ai eu connaissance du roman, il y en avait 4 000 exemplaires. Au premier jour de tournage, plus de 4 millions avaient déjà été vendus. Quand les distributeurs français ont vu le film, ils m’ont expliqué que ce genre ne marcherait jamais en France...

Comment se fait-il que les films français en Amérique ne soient pas mieux considérés ?

D’une part, ils ne s’exportent pas bien, parce que les Américains détestent les sous-titres et d’autre part, parce que le cinéma français populaire est fait pour une consommation locale. L’industrie adore le cinéma français mais elle le voit comme un produit d’une autre époque.


Pourriez-vous envisager de travailler en France ?

Je trouvais déjà le plafond français trop bas quand je suis arrivé ici, en 1979, vous imaginez aujourd’hui ! Si je devais faire des films et me retrouver à la merci de France 2 ou TF1 à qui je devrais soumettre mon dossier, je crois que je me tirerais une balle dans la tête !

Quel est votre plus grand regret ?

D’avoir passé la main sur “Le pianiste” de Roman Polan­ski, qui a eu l’Oscar. Quand, à Paris, Roman m’a donné le livre, je me suis dit qu’après “La liste de Schindler”, on ne pouvait plus rien faire.

Paris Match

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