samedi 19 janvier 2008

Avec 140 millards de dollars, Bush se fait keynésien

Par Rue89

Une idée reçue veut que les Américains ne se fieraient qu'au marché, et à sa main invisible, pour résoudre leurs problèmes économiques. Ils auraient depuis longtemps enterré le "keynésiannisme", cette idée selon laquelle l'Etat peut faciliter, par des politiques actives, le retour au plein emploi, que ce soit par l'augmentation des dépenses publiques, les allègements d'impôts et/ou l'injection, par la banque centrale, de monnaie dans les circuits.

C'est une idée fausse, comme on peut le constater à chaque fois que la croissance menace de chuter outre-Atlantique. Les Etats-Unis sont bien plus décontractés que les Européens lorsqu'ils s'agit de voler au secours de leur économie. Dès que des signes de récession sont perceptibles, ils appuient, fort, très fort, sur les deux pédales qui sont à la disposition du pouvoir fédéral: budgétaire et monétaire.

Ronald Reagan était ainsi allé jusqu'à pousser à près de 6% du PIB le niveau des déficits publics pour sortir son pays de l'ornière. Un niveau qui ferait s'évanouir n'importe quel banquier central européen.

Ce vendredi, George Bush a annoncé un plan de relance de 145 milliards de dollars, soit 1% du PIB. Quelques jours plus tôt, Hillary Clinton, croyant prendre de court les Républicains, avait promis un plan deux fois moins ambitieux: 70 milliards de dollars. Il est vrai que Bush a un avantage sur la candidate: il peut charger l'ardoise, ce n'est pas lui qui devra l'effacer.

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, c'est le refus du chômage qui guide, avec pragmatisme, la politique macroéconomique des Américains. Une telle attitude semble frappée au coin du bon sens.

L'Europe manque de pragmatisme

Elle n'est pourtant pas partagée en Europe. Les dirigeants y sont plus doctrinaires: ils ne jurent que par l'équilibre budgétaire, la concurrence parfaite, l'inflation terrassée. La croissance? Elle découlera de cette politique vertueuse! Résultat: on s'est trop longtemps contenté d'une croissance molle, d'un chômage élevé, et de déficits publics qui ne redescendent jamais.

Et on a bardé l'Europe de mécanismes rigides pour assurer cette "vertu": la Banque centrale européenne n'a pour seul objet que de lutter contre l'inflation, un pacte de stabilité enserre les politiques budgétaires, etc.

Ainsi, que se passe-t-il aujourd'hui? La Banque centrale européenne, sous la direction du Français Jean-Claude Trichet, menace de relever les taux, au nom des risques d'inflation. Alors qu'il faudrait, pour éviter une récession, les baisser, comme le fait sans barguigner la Banque centrale américaine...

Le risque de connaître une panne en Europe est donc réel. Pour redémarrer, les Européens risquent une fois de plus d'être condamnés à attendre une locomotive... qui sera probablement américaine.


http://www.rue89.com/2008/01/18/avec-140-millards-de-dollars-bush-se-fait-keynesien

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