La condamnation américaine de l'action de Pervez Musharraf, extrêmement modérée, reflète l'ambivalence du combat de l'administration Bush pour la démocratie, estime le quotidien indien The Asian Age.
Rompant le silence sur l'imposition de l'état d'urgence au Pakistan et la répression brutale déclenchée par le général Pervez Musharraf contre les juges, les avocats, les défenseurs des droits de l'homme et les journalistes, le président des Etats-Unis George Bush a déclaré qu'il attendait de son allié qu'il se débarrasse de son uniforme et qu'il organise des élections "dès que possible". De la part du champion autoproclamé de la démocratie, le monde aurait espéré une réaction nettement plus vigoureuse. Après le 11 septembre, quand Bush a lancé une guerre planétaire contre le terrorisme, n'avait-il pas également juré de répandre la démocratie en Asie du Sud [notamment en Afghanistan et au Pakistan] ?
Concernant l'Irak, la logique sous-jacente à l'invasion est passée de la simple élimination d'armes de destruction massive à la mission, plus noble, d'apporter "la liberté et la démocratie" au peuple irakien. Le président Bush et ses conseillers néoconservateurs ont répété sur tous les tons que le fondamentalisme, l'intolérance et le terrorisme, fléaux des nations d'Asie du Sud, avaient pour principale origine l'absence de démocratie dans cette région. Mais, au cours des cinq dernières années, il est devenu de plus en plus manifeste que l'engagement du président Bush envers la démocratie est sélectif, pour ne pas dire factice.
Il y a quelques années, il avait proclamé que la démocratie était "la seule voie vers l'indépendance, la dignité et le progrès". Mais quand, en janvier 2006, à l'occasion d'élections justes et libres, le Hamas a remporté une victoire écrasante, il a refusé de reconnaître le gouvernement palestinien élu démocratiquement. Il avait de même rejeté la victoire du Hezbollah au Liban en 2005. En dépit de sa résolution rhétorique en faveur de la démocratie, l'histoire récente montre que le président américain n'a aucun mal à traiter avec des dirigeants autoritaires.
Bush comme ses prédécesseurs chouchoutent le président Hosni Moubarak, bien qu'il règne d'une main de fer sur l'Egypte depuis vingt-cinq ans. Comme Moubarak, Pervez Musharraf est un dictateur favorisé par le gouvernement américain. Le président pakistanais savait qu'il pourrait [faire accepter] sa répression militaire – sinon, il n'aurait pas osé prendre ces mesures. Conformément à ce qu'il espérait, le président Bush et Condoleezza Rice n'ont que timidement réagi à la proclamation de l'état d'urgence – sans, par exemple, annoncer un gel de l'aide américaine à Islamabad [estimée à plus de 10 milliards de dollars depuis 2001]. Le gouvernement Bush a tant investi dans le général Musharraf qu'il ne peut se retourner contre lui. Il voit en lui un allié indispensable dans sa guerre contre le terrorisme, en particulier en Afghanistan.
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