Deux de ses grands-parents sont morts à Auschwitz. Georges, son père, a réussi à rejoindre la Résistance avec son frère. Ils appartenaient à un réseau qui faisait passer les enfants juifs en zone libre jusqu'à Moissac. Après 1942, il a fallu cacher les enfants dans des familles. Sur plusieurs centaines, pas un n'a été dénoncé. Jean-David Levitte s'est souvent servi de cet exemple pour essayer de faire comprendre aux Américains que la France était moins antisémite qu'ils ne le croyaient. "Il y a eu Vichy et il y a eu les Justes."
Les conseillers ont fait la liste des insultes anti-françaises circulant dans les médias. L'ambassadeur l'avait toujours dans la poche. Quand il était invité quelque part, il la lisait à ses hôtes en remplaçant "Français" par "juifs". Un jour il l'a lue à Colin Powell. "Permettez-moi maintenant de remplacer Français par Noirs", a-t-il suggéré sans se soucier de l'embarras de l'Américain. "Quand il revenait, il disait : "J'ai encore gâché l'ambiance !"", raconte un collaborateur.
Le 17 mai 2003, M. Levitte a publié une lettre ouverte qui a sidéré le Tout-Washington, peu habitué à ce qu'un diplomate s'exprime directement. Il dénonçait "la campagne de désinformation" contre la France orchestrée "par des responsables gouvernementaux anonymes". Le Washington Times venait d'affirmer que la France avait fourni des passeports à Saddam Hussein et à son entourage. Il a fallu faxer la lettre à Colin Powell, qui était en déplacement. Le Congrès se l'est arrachée. "C'était un coup de dés, confie un membre de l'équipe de l'époque. On s'attaquait à l'exécutif, au législatif et au quatrième pouvoir." L'audace a payé. La désinformation a cessé. "Levitte est unanimement respecté, dit aujourd'hui Joseph Biden, le président démocrate de la commission des affaires étrangères du Sénat. Et il connaît très bien notre pays."
Lemonde.fr
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